La miss, les « Blancs » et nous (troisième partie)
Salutations chères toutes et chers tous,
Les concours de beauté « Miss » de nos différents pays n’ont de cesse de nous offrir chaque année, en plus des jolis minois des candidates, d’inestimables pépites en terme de gaffes et de faux-pas. Le public assoiffé de sang s’en délecte aux dépends des candidates. Cette année n’aura pas été en reste, et bien que le gaffomètre ait atteint des sommets, les Togolais en savent quelque chose, la palme revient à la championne congolaise, la très chère Dorcas DIENDA et son désormais célèbre « (…) ce n’est pas un tabou, l’homme blanc est plus intelligent que l’homme noir ».
Alors, bien que trouvant sa petite sortie plutôt inculte et ridicule, je ne vais pas non plus réclamer son immolation immédiate. J’aurais été plus frappé si ç’avait été une chef d’État ou un penseur. Disons que là, ce n’était pas nécessairement le haut du panier. D’autre part, je suis sûr qu’en vrai elle est très gentille et sympathique, qu’elle aime les oiseaux et les chatons. La question n’est pas là. Non. Questionnons plutôt ce sujet qui fâche, sans fard et faux fuyants, à un autre niveau.
«Les vaincus veulent toujours imiter le vainqueur dans ses traits distinctifs, dans son vêtement, sa profession et toutes ses conditions d’existence et coutumes. La raison en est que l’âme voit toujours la perfection dans l’individu qui occupe le rang supérieur et auquel elle est subordonnée.
Elle le considère comme parfait, soit parce que le respect qu’elle éprouve (pour lui) lui fait impression, soit parce qu’elle suppose faussement que sa propre subordination n’est pas une suite habituelle de la défaite, mais résulte de la perfection du vainqueur. Si cette fausse supposition se fixe dans l’âme, elle devient une croyance ferme.
L’âme, alors, adopte toutes les manières du vainqueur et s’assimile à lui. Cela, c’est l’imitation(…) Cette attraction va si loin qu’une nation dominée par une autre nation poussera très avant l’assimilation et l’imitation.» Ibn Khaldoun
Dire tout haut ce que beaucoup (trop) pensent tout bas.
Tout d’abord, #shame_on_us, car la très chère Dorcas n’a fait qu’exprimer la pensée profonde et non avouée d’énormément d’Africains, énormément. J’ai même dans l’idée qu’une bonne partie de ceux qui réclament sa tête le font pour des raisons très ambiguës. Combien de fois, dans des discussions, n’ai-je pas été étonné par des phrases du même type, soit comme des allusions, soit clairement énoncées. Des choses comme « Nous les Africains, nous sommes perdus pour toujours, nous ne pourrons jamais rivaliser avec les autres ». Une fois j’aime même eu « Vu que sur les fuseaux horaires ils ont quelques heures de plus que nous, et qu’ils se lèvent plus tôt, c’est normal qu’ils soient toujours en avance ». C’est pas beau ça ? Lui, on le crucifie ou comment ?
Notre vision du monde est bancale
« Coupé de son passé, projeté dans un univers façonné de l’extérieur par une civilisation qui lamine ses valeurs, abasourdi par une invasion culturelle qui le marginalise, l’Africain désemparé est aujourd’hui le reflet déformé de l’image d’autrui »
Edem Kodjo, Et demain l’Afrique
Le problème de fond c’est notre vision du monde, le rapport que nous avons avec nous-même et avec autrui : les perceptions de notre conscience sont déterminées par le discours historique et l’ensemble de choses que nous assimilons et absorbons par les divers canaux qui existent.
Aujourd’hui, l’Afrique est l’exutoire d’autres mondes, l’endroit où viennent se déverser de manière incontrôlée et incoercible toutes leurs productions et leurs déchets matériels et intellectuels. Nous voyons le monde (aujourd’hui encore) à travers les yeux d’autrui, par le biais de l’école coloniale ( en ce sens, je crois que miss Dorcas est une « très bonne élève ») et surtout de la télévision et autre media. D’où ce désir de « devenir l’autre », de le singer. On sous-estime la dévastation mentale que cause cette guerre psychologique non-stop (car c’est bien le mot, une guerre psychologique).
Ainsi, il est presque miraculeux que de telles élucubrations (« on a toujours été dominés », « ils sont plus intelligents que nous » ) ne s’entendent pas plus souvent à la télé. Dans le même ordre d’idée, le phénomène de décapage ou des mèches « brésiliennes » est le fruit de cette aliénation et l’expression de notre soumission à cette vision du monde d’autrui. Et soumission, c’est bien le mot. Car même ceux qui affirment faire ci ou ça pour leur seul plaisir ou juste parce que « c’est beau », ne réalisent pas que la notion même de « beau », la définition qu’ils ou elles s’en font, dépend de la programmation ou du formatage qu’on leur impose.
« L’essence du Pouvoir est de pouvoir définir la réalité d’une personne et la forcer à vivre selon cette définition comme si c’était la définition de son propre choix »
De la violence et de « l’intelligence »
Si l’expansion civilisationnelle des peuples « blancs » avait été un cercle vertueux pour tout un chacun, j’aurais été le premier à saluer cette « supériorité ». Mais il n’en est rien. Et il faut s’en souvenir (avant d’ouvrir sa bouche). Il faudra peut-être qu’on m’explique qu’elle est cette intelligence qui ne rayonne que dans la prédation et la destruction. Chacun se bat pour ses intérêts, vous me rétorquerez…
Nous oublions souvent que si l’Europe a dominé et asservi la majeure partie de la Terre, ce n’est pas par la profondeur de sa philosophie ou la beauté de sa morale mais plutôt et surtout par sa maitrise de la violence organisée. Aucun peuple n’a jamais causé autant de morts, de génocides, d’extermination et de dévastation matérielle que les peuples européens. ( Quand les bonhommes débarquèrent aux Amériques, il s’ensuivit l’anéantissement des civilisations et peuples autochtones au bout de quelques années à peine. Parfois, seul 10 % de la population survivait (dix pour cent !), le reste fauché par les guerres, les massacres systématiques, les famines et surtout les épidémies.
La permanence de la lutte
« On vous nie en tant qu’être moral, on vous nie en tant qu’être culturel, on ferme les yeux, on ne voit pas les évidences, on compte sur votre complexe, sur votre aliénation, sur le conditionnement, les réflexes de subordination et sur tant de facteurs de ce genre. (…) Parce que le conflit il est partout, il est à tous les niveaux, il est dans tous ces débats, il est jusque dans nos relations internationales les plus feutrées. (…) »
Cheikh Anta Diop
Disons tout simplement, que le combat est permanent et incessant. Il est dans chaque page de nos prétendus livres d’histoire, dans chaque spot publicitaire, dans chaque feuilleton (télénovelas !), dans chaque langue que nous apprenons. En attendant d’accéder aux structures d’État pour changer l’éducation de manière globale, que tout un chacun, à son niveau, se fasse patient et/ou médecin vis-à-vis de cette épidémie mentale, dans la mesure de son possible. Comme dirait l’autre, on se soigne par le partage. On revient toujours et toujours à l’E-DU-CA-TION, la clé de voute de tout le reste. Il faudra un jour arrêter le massacre dans nos écoles.
« Notre renaissance africaine insiste beaucoup sur la façon de présenter l’histoire. Il faut écrire notre histoire comme l’histoire de notre société, non comme l’histoire d’aventuriers européens. »
Kwame Nkrumah ( Le Consciencisme)
Vous êtes tout aussi bons ? Prouvez-le ! Réveillez le Bâtisseur en vous !
« La rage de vaincre n’est qu’une extension que la rage de vivre ». ARDA
Là je vais être taquin. Pour quiconque aurait été choqué, outré ou ulcéré par les propos de madmoiselle Dorcas, que cela soit le lieu d’une remise en cause. Car, qu’on le veuille ou non, ce qui a été dit a été dit. Tout ce qui vous pousse à se surpasser et à donner le meilleur de soi-même (pour soi-même!) est bon à prendre.
Il faut être fort
Plus largement, et encore à un autre niveau de réflexion, on ne nous respectera vraiment que quand nous serons forts. Quand nous aurons des missiles, « LA Bombe » et une prospérité matérielle digne de ce nom. Tous ceux qui vous sont matériellement et technologiquement supérieurs de manière significative vous traiterons toujours avec un regard folklorisant et paternaliste et il y aura toujours (toujours) des gens dans votre propre peuple pour intégrer ce discours et le régurgiter à leur tour, ça s’appelle l’aliénation, c’est arrivé des dizaines de fois dans l’histoire, ce n’est pas une exclusivité africaine. Y’a un bon livre pour ça d’ailleurs! (Ativan)
Donc, transformons-nous en bâtisseurs; pour l’Afrique de demain, brisons les chaines qui sont dans nos têtes et à nos pieds. On ne respecte pas les faibles, quoi qu’ils disent, quoi qu’ils clament ou réclament. Ce n’est que par la prospérité et la puissance (économique et militaire) que nous aurons le respect des autres. Cherchons à être puissants et forts. Tout le reste, c’est du blabla, de la distraction (un peu comme ces concours de beauté, en somme). Tant il est vrai que la volonté de puissance n’est que l’extension du désir d’exister!
Ayons la rage de vaincre…
Et vive l’Afrique !!! 🙂
Lisez ici, très chers, mes prédécesseurs sur la question, Belizem et Fotso. D’autres suivront bientôt. Stay tuned.
Commentaires