Haïti (Ayiti) est notre sœur, la première nation africaine du monde
Salutations, chers toutes et chers tous.
Haïti, Haïti, Terre bienaimée.
Aujourd’hui quand on entend parler d’Haïti, et ce même en Afrique, c’est uniquement sur des sujets de séisme, famine, épidémie, Papa doc, etc. Le peuple haïtien est régulièrement voué à l’opprobre et à la pitié des autres, même des africains, c’est dire ! J’ai été tout particulièrement interpellé par les violents actes racistes anti-haïtiens de la république dominicaine ainsi que les réactions nombreuses qu’elle a suscité. Notamment celle de l’ainé camarade: le défi d’être Haïtien. Moi je parlerai du défi d’être Africain (au sens large du terme, sans verser dans de l’essentialisme).
Depuis longtemps, Haïti est traînée dans la boue, au point que peu d’entre nous ici sont au courant de ce que cette île représente pour l’Afrique et les nations « noires » du monde. Je m’en vais le rappeler.
Nous africains, dans notre large majorité, n’avons aucune notion de notre histoire longue. C’est ce qui nous rends bêtes, suffisants et naïfs sur bien des sujets. Fragiles et dangereux pour nous-mêmes quant à l’avenir, inaptes à reconnaitre le danger et les méthodes de l’ennemi. Très peu, très peu de mes frères et sœurs savent le rôle crucial qu’a joué Haïti dans leur histoire, dans leur lutte (dans notre histoire, dans notre lutte). Haïti est l’un des plus beaux joyaux de résistance et de grandeur que le peuple noir a su enfanter, dans la douleur, la souffrance et le sang. Son délabrement actuel, à l’image de mère-Afrique toute entière, est le fruit d’une mécanique brutale, insidieuse, savante, complexe et mortelle. Un piège sans fin, comme dirait l’autre.
Ayiti, première nation africaine et paroxysme de la résistance du « Noir » contre le système esclavagiste.
Ayiti est la première nation africaine moderne ! Moderne au sens historique du terme. Si l’Éthiopie a résisté à la colonisation militaire (mais pas à la colonisation financière), Haïti avait acquis son indépendance et sa libération des années auparavant. C’est la plus célèbre libération d’esclaves par les esclaves eux-mêmes ! Cela en fait légitimement la première nation africaine du monde (Car les esclaves ne sont pas vietnamiens, j’ose le rappeler), donc notre sœur…et d’une certaine façon notre mère. Comme dirait ce cher Eliphen Jean : « Ayiti est africaine ».
La révolution haïtienne, la seule vraie révolution.
Il y a eu trois grandes révolutions : La révolution française, la révolution américaine et la révolution haïtienne (je ne fais pas grand cas de la révolution bolchévique). De mon point de vue, c’est la troisième qui est la plus complète. Car même si la révolution française a accouché des « droits de l’homme », il est impérieux de préciser que ces droits ne concernaient ni le nègre ni la femme. Voilà.
Seule la révolution haïtienne a clairement affirmé les « droits de l’Homme » au sens et le plus exhaustif du terme. Il convient de le rappeler. Voilà.
Précisons aussi que les mouvements indépendantistes d’Amérique latine sont liés à la révolution haïtienne. Ils ont été permis et stimulé par Haïti. D’ailleurs le très grand Bolivar avait un certain nombre de généraux haïtiens dans son armée. N’eurent été les manigances des Puissances, Bolivar aurait formé une grande nation Latine, mais les américains ne voulaient surtout pas d’un puissant et grand état « libre » au Sud de leurs frontières. Ils ont donc fait le nécessaire pour faire capoter les projets d’unification. Ce sont les caprices de l’histoire.
Voyez-vous, c’est ça Haïti !
Haïti, la liberté au prix fort
Je suis de ceux qui pensent que cette nation paie encore jusqu’aujourd’hui au prix fort l’audace et l’efficacité avec laquelle elle a arraché sa liberté de la gueule des rapaces esclavagistes.
Menés par Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines, les « noirs » de Saint-Domingue (Ayiti) ont vaillamment tenu tête aux armées de toutes les puissances esclavagistes de l’époque (Français, Anglais, espagnols, américains). La France, notamment, a été tenue en échec à la légendaire bataille de Vertières (Je rappelle que Napoléon avait rétabli l’esclavage. Il avait rétabli l’esclavage !).
Haïti a souffert, mais pas pour Haïti seule, elle a souffert pour et au nom de toute l’Afrique. Comme dirait J.H. Clark, ce serait bien qu’on se rappelle non pas seulement là où le bateau nous a déposé mais aussi là d’où il nous a emporté.
Des réparations oui, mais pour les négriers
Le plus immoral dans cette histoire, c’est que les haïtiens dû payer les négriers. Oui, les propriétaires d’esclaves ont estimé que la libération des esclaves était une perte pour eux et qu’ils devaient être « dédommagés ». Le remboursement de cette dette colossale est le début du cercle vicieux qui a plongé Haïti, de proche en proche, dans l’abime qu’on connait. Même si on admet l’existence des traitres, les pressions extérieure ont été très déterminantes, comme toujours. N’oublions pas que les puissances ont tout fait pour châtier sévèrement Haïti et en faire un exemple. Ça a très bien marché, c’est le cas de le dire.
C’est ce cher Napoléon qui a donné le « la » d’ailleurs :
» Ma décision de détruire l’autorité noire à Saint-Domingue n’est pas tant pour des considérations de commerce et d’argent, mais plutôt à cause de la nécessité de bloquer à jamais la marche des noirs dans le monde » (Napoléon Bonaparte)
Si ça ce n’est pas mignon !
En étant suffisamment cynique et stratège, on peut comprendre ce choix : car il ne fallait surtout pas laisser une nation « nègres » prospérer. Cela aurait fait tache, dans le cadre d’une domination blanche du monde.
Pour finir…la question du vaudou et de la « malédiction » d’Haïti.
La christianisation et l’islamisation de l’Afrique a poussé nombre d’Africains dans un intéressant état de schizophrénie par rapport à certains sujets. Quand j’étais encore « dans la matrice », j’ai entendu et parfois validé passivement bien des inepties sur Haïti. Suite au séisme d’il y a quelques années, je me rappelle un imbécile bigot inculte et aliéné de pasteur qui déclarait sur les ondes que si Haïti subissait tour à tour famines, épidémies, tremblement de terre etc. c’était parce que ce pays était adepte du vaudou. Qu’il s’était détourné de Dieu, c’est une idée assez largement partagée… Quand j’y repense aujourd’hui, ça me donne une profonde envie de vomir. Comment avons-nous peu tomber aussi bas ?
Loin de considérer ce culte ancestral comme une malédiction, je dirais même que la formidable sauvegarde du vaudou rend Haïti d’autant plus précieuse. Parce que si les chrétiens ont le droit de croire qu’un fils de charpentier à Nazareth est né d’une vierge, a marché sur l’eau et est blond comme un norvégien…je crois que tout le monde a le droit de croire en ce qu’il veut!.
A certains égards, les haïtiens sont restés beaucoup plus authentiquement « africains » que nous (au sens qu’ils ont profondément conservé des traditions africaines d’il y a trois voire quatre siècles. Ils les ont préservées précieusement, car on est beaucoup plus enclin à sauvegarder ses souvenirs quand on est « loin de sa maison ». Alors que nous, n’ayant pas été « dépaysés », nous avons été quelque peu plus perméables aux apports exogènes. Tout ceci reste discutable, mais dans la globalité, c’est opérant)
Le vaudou est une formidable ressource spirituelle et idéologique, c’est lui, en partie, qui a permis aux esclaves de se libérer par eux-mêmes ! Et de ne pas attendre un certain Victor Schœlcher qui arrivera en retard avec son fameux décret. Pour cela je ne peux que rendre hommages aux trons, ou au loas, comme on dit là-bas.
Pour ceux qui joueraient les puristes chrétiens ou musulmans je rappelle que le christianisme a été imposé de force, dans le sang, aux esclaves dans le but de les rendre plus dociles et soumis aux maitres « blancs ». Et que la traite négrière transsaharienne qui a duré treize siècles a été à l’instigation et au profit des arabes et musulmans (Attention ! Je ne crache pas sur ces religions, ce serait trop simpliste et risible ; je dis juste à tous ceux qui pensent que Dieu ne parle qu’à eux seuls d’en rabattre un peu et de laisser le vaudou tranquille ou d’aller se faire voir ailleurs si ça leur chante !).
Ce n’est pas le vaudou qui a condamné Haïti, non. Il y a bien quelque chose qui a juré la perdition de cette nation, mais ce n’est pas le vaudou.
Nous avons un destin commun
Je rêve d’une grande fédération. Une unité panafricaine transcontinentale qui regrouperait les nations et peuples africains et afro-descendants aux quatre coins du monde. Par la force des ancêtres, un tel rêve verra le jour. Dans un tel bloc, Haïti aurait incontestablement une place de choix (je ne cesse de le dire: le première nation africaine). J’ose le dire très solennellement enfin, toutes proportions gardées nous avons un destin commun.
J’aime à penser que nous y réfléchirons à deux fois avant de hocher piteusement la tête la prochaine fois que nous entendrons le nom « Haïti ». Elle est notre sœur, notre mère, notre camarade de route. Car c’est bien un commun destin qui nous lie, pour le meilleur et pour le pire, à plus d’un titre.
Bien à vous
A.R.D-A.
Commentaires