Arrêtez-moi tous ces feuilletons !
Salutations chères toutes et chers tous
Comme vous le savez sûrement, les feuilletons ont progressivement envahi, voire dominé, le paysage audiovisuel de nos pays. Au jour d’aujourd’hui (j’ai toujours bien aimé cette étrange expression) chaque chaîne de télé a son (ses !) feuilleton (s). Tout est bon pour remplir les plages horaires et gaver la ménagère je sais bien que je vais me peux me faire lyncher pour ce cliché. D’autant qu’il y a de la demande ! Une compatriote le disait récemment, le Togolais va passer beaucoup de temps affalé sur son canapé à regarder des feuilletons durant ces vacances.
Les feuilletons et les femmes
Les feuilletons passionnent surtout les femmes le lynchage, oui je sais : de la jeunette rêveuse à la quinquagénaire désabusée, vous les trouverez toutes buvant religieusement chaque minute de leur show. Tressaillant au moindre rebondissement, vociférant ou se plaignant à chaque souffrance de l’héroïne, ou encore applaudissant et gloussant au moindre baiser fougueux (Et pour ça, y’en a, des baisers! Eh dieux, y’en a. Genre, c’est carrément une discipline olympique)… Bien sûr, de plus en plus d’hommes s’adonnent aussi à ce péché mignon. « Beaucoup beaucoup même », comme on dit chez moi.
#Y’en_a_marre
N’en déplaise à un certain Carioca et ses héroïnes (de moins en moins gentilles d’ailleurs), je suis de plus en plus agacé par ces feuilletons. Que dis-je excédé, ulcéré, outré ! (éviscéré, catastrophé, #dépetitpotdebeurrisé). Sérieux, trop c’est trop. Feuilletons par-ci, feuilletons par-là… Sortez, regardez par la fenêtre, vivez. Orh !
Vive le « feuillethon » (Marathon + feuilleton)
Chaque soir n’est donc plus qu’un feuillethon. Oui, avant il y avait juste un ou deux feuilletons par semaine, mais ça c’était avant. A présent, le programme est chargé et surchargé, net et précis, méticuleux et organisé ; comme l’agenda d’un PDG, sauf que la seule entreprise à faire fonctionner, c’est la téloche ! Avec plusieurs feuilletons sur plusieurs chaines chaque jour, il faut être un agrégé en zapping pour suivre le rythme. Exemple d’agenda type :
– 18 h 30-19 h : série sur AAA TV,
– 19 h-19 h 35 : feuilleton sur BBB TV*
– 19 h 35 – 19 h 45 : Pause de 10 minutes, pour les pubs ( Zapper sur CCC TV pour suivre une dizaine de minutes de l’autre feuilleton qui passe à la même heure. Étant entendu qu’on se rattrapera là-dessus le lendemain à 13 h, pendant la redif.)
– Revenir sur le feuilleton principal
– 19 h 40 : feuilleton 3 sur chaîne DDD TV
– 20 h : rien d’intéressant, entracte (ben oui, ce n’est que le Journal télévisé. Le « vieux » monopolise malheureusement la commande pour quelques minutes)
– 20 h 30 : les choses sérieuses recommencent, Re-feuilleton sur AAA TV (Le vieux a vu son truc de vieux à propos de la Grèce, de Habré et de géopolitique)
– 21 h : bouquet final, feuilletons n°5 (durée : une heure)
Les feuilletons et les élèves :
Avec les vacances, c’est un peu moins grave. Mais il faut voir ce que c’est pendant les périodes de cours. (Xanax) Le feuillethon crée une véritable sitzkrieg : cahiers d’un côté, élèves de l’autre, feuilletons creusant des tranchées minées entre ces deux camps « ennemis ».
Donc non, ces trucs à l’eau de rose là… Non. Très peu pour moi.
Et s’en vient ma digression…
De l’image et des masses
L’impact que ces feuilletons ont sur « les masses » est très important, massif même, c’est le cas de le dire. Après un feuilleton hindi, j’ai vu des gens nommer leur enfant « Vaïdehi ». Ceci n’est que dans la suite des « Marimar », « Maribelle », « Miléna ». J’en passe et des meilleurs. C’est dire !
Je crois ce que je vois, je fais ce que je vois,je suis ce que je vois
A mon humble avis, ces feuilletons ne sont pas « juste » des feuilletons, mais l’imposition massive d’un système de société qui n’est pas le nôtre (et qui ne devrait jamais l’être, faut voir ce que c’est). L’image est essentielle, on n’aura de cesse de le dire. Alors quelle image projetons-nous à nous-mêmes A LONGUEUR DE JOURNÉE ?Je veux bien, comme dirait Césaire, que nous soyons un peu « poreux à tous les souffles du monde, lit sans drain de toutes les eaux du monde ». Mais trop c’est trop.
Entendons-nous bien : Il ne s’agit pas de taper sur ces productions juste comme ça, mais je crois qu’il serait grand temps que nous prenions garde à ce que nous ingurgitons goulûment. Plus important encore, il est grand temps que nous produisions plus, beaucoup plus. Image de soi, par soi et pour soi. Je doute fort que la Chine, la Russie ou les Etats-Unis regardent beaucoup de films maliens…
De ce point de vue, mon pays le Togo a un demi-siècle de retard, je le crains. C’est encore une autre histoire, une sombre histoire dont je ne saurais traiter dans les limites de cette esquisse. Il faudrait un autre billet pour ça. (https://www.tgigreek.com/)
Au-delà de la critique pour la critique, cette surabondance et cette sur-représentativité des feuilletons n’est que l’expression de notre faiblesse. Notre incapacité en tant que peuple et en tant que machine culturelle à générer nos propres réalités.
Au-delà du chauvinisme panafricain, ce n’est pas du tout sain d’être les éternels consommateurs de ces productions sans un minimum d’esprit critique, de filtres et de tri. J’en veux pour exemple la permanente glorification du modèle de société consumériste, jouissive et permissive des Amériques latines, dans la droite lignée de l’Occident (sauf pour les Noirs et les pauvres, évidemment). Cette image est loin d’être la réalité objective du milieu, mais comment le savoir ?
Feuilletons et image des « Noirs »
Pour info, il y a plus de cent millions de « Noirs » au Brésil, pays comptant le plus de « Noirs » après le Nigeria. Pourtant, ce n’est pas l’impression qu’on a en regardant leurs feuilletons, ou bien ? Quoi ? Nous aurait-on menti ? Grands dieux !
Évidemment, il y aurait encore beaucoup à dire ou redire sur ce sujet mais bon. Arrêtons-nous là. Bref, ras-le-bol de ces feuilletons.
Bien à vous, A.R.D-A.
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