« Voter ou ne pas voter, là est la question »… Ce qu’en disent quelques blogueurs togolais
Salutations, chères toutes et chers tous.
La date fatidique du 25 avril jour de l’élection présidentielle #TGPR15 approche à grands pas pour le Togo. Le long feuilleton politico-social, aussi cahotant que chaotique, qui nous y conduit pousse tout un chacun à prendre position vis-à-vis de ce scrutin. Mais au-delà de nos tergiversations, de nos débats houleux et passionnés, des démonstrations les plus complexes aux raisonnements les plus subtils, au final la chose se résume et se condense de manière infiniment plus simple et radicale : irez-vous voter ce 25 avril 2015 ?
Voter ou ne pas voter, là donc est la question… Quelques compatriotes s’y sont volontiers soumis : Cyrille, Eli, Guillaume, Judith, Yann (et moi-même).
A question directe réponse directe. Commençons par ceux qui feront le déplacement ce samedi, j’ai nommé Yann, Cyrille et Judith.
Oui
Cyrille (Le Mondoblagueur) : » Le Togolais est une des rares personnes qui répond toujours au réveil ou dans le courant de la journée, « Ça va bien » à la question : « Comment tu vas ? ». Qu’il ait mangé ou pas, qu’il soit assailli par les soucis ou tenaillé par des douleurs, il te répondra : « Ça va bien ». Notre vie se résume à des choix par défaut. Nous vivons dans des conditions qui se dégradent au jour le jour, par défaut les mêmes s’enrichissent et les mêmes crèvent la dalle. Par défaut nous acceptons tout, les pires injustices, vaincre ou mourir dans la dignité, cette même dignité qui nous a depuis tourné le dos.
Assumer, endosser et pérenniser les choix par défaut, c’est rester chez soi ce 25 avril, en espérant que les choses changent d’elles- mêmes. Personnellement, je vais voter, même si le jeu semble perdu d’avance, parce que ce serait lâche de ne pas assumer ce droit et exprimer mon devoir pour revenir me plaindre de ce qui ne va pas ou rêver de ce qui aurait pu changer. Voter pour moi, c’est assumer mes rêves et caresser l’espoir de les vivre! »
Yann (Petit Togolais libre devant l’Eternel) : « Entre hésitation et résolution, après mûre réflexion, j’ai choisi : je vote. Je vais voter et ce ne sera ni la première fois ni la dernière fois. Je comprends le choix et les raisons de ceux qui ne votent pas. Mais je crois profondément en la démocratie, celle de la participation, peu importent les imperfections. Certes, il n’y a pas d’illusion à se faire sur ce qu’il adviendra de mon vote, mais il vaut mieux voter et faire face à l’accusation de l’histoire que d’être un spectateur passif de la suite des événements. Je vais voter parce que c’est un droit que nous avons conquis dans les larmes et le sang, je vais voter parce que le Togo que je souhaite pour les générations futures c’est un pays qui fait des choix et les assume. Je vais voter pour tous ceux qui sont à l’étranger et qui ne pourront pas exercer leur droit de ce simple fait. Je vais voter pour tous ceux qui ne sont plus là et qui auraient tant voulu glisser leur bulletin dans l’urne. Je vais voter enfin pour mon fils, pour qu’il ait le droit de vivre dans un pays où il aura le droit de devenir quelqu’un sans être le fils de personne. Je vais voter parce que c’est ma liberté, mon choix, mon droit… inaliénable ».
Judith (La négresse qui pense): « Personnellement, j’entrevois le 25 avril comme un samedi de plus dans notre triste histoire. Catholique et fière, on m’a toujours appris que le devoir citoyen est d’aller porter son choix devant les urnes et voter. J’ai souvent même exhorté tous ceux que je pouvais à porter à un choix ; mais c’est réellement avec une amertume très profonde que je dois avouer que bien que je porte l’envie de voter, il me sera difficile de le faire. Je ne sais pour qui voter. Tiraillée par ma fierté de contribuer à choisir le président du Togo, j’espère avoir assez de force dans ces quelques jours pour aller voter… parce qu’accuser sans porter son choix au moment voulu, c’est lâche et j’espère ne pas être lâche ! »
Ceci est la parfaite transition pour se tourner ceux qui ne pensent pas mettre de bulletin dans l’urne.
Eli (échos de mes états d’âme) « Je suis de ceux qui estiment que pour un meilleur déroulement des élections, un nouveau départ s’impose qui passe par la réforme en profondeur de la Constitution, impératif préalable au scrutin présidentiel. Ce pays a grandement besoin de garde-fous constitutionnels pour freiner l’usure, et la monarchisation rampante du pouvoir.
Il y a une légèreté qui me rend perplexe sur la nécessité d’aller voter. Comment faire confiance à ceux-là qui ne sont pas foutus de satisfaire l’aspiration de 85 % des Togolais – j’en fais partie et je ne m’en cache pas – aux réformes? Je refuse de cautionner cette imposture en allant voter le 25 avril prochain. »
Renaud (Mots et murmures, c-à-d ici) : « Entre les réformes repoussées aux calendes grecques, les revendications sociales dont le miabé’pouvoir n’a rien à faire (il s’en c*rre le f*on), et une flopée de candidats qui ne me disent pas grand-chose, j’ai bien assez de raisons de ne pas me livrer à cet étrange exercice prétendument rédempteur qu’est le vote. Vote qui, sous sa forme actuelle, n’est par ailleurs qu’un barbarisme, un faux né de la démocratie à l’occidentale (démocratie de marché et d’opinions).
A une toute autre échelle de considérations, au-delà du seul Togo, je dirais que dans ce contexte d’adversité structurelle, le problème des pays africains ne se limite pas au vote, ce n’est qu’une part (relativement marginale au final) de l’équation… Donc non, je n’irai pas voter. Mais j’observerai avec grand intérêt le déroulement du scrutin. A l’image d’un expérimentateur qui regarderait de fortuits cobayes faire tourner sans cesse la roue dans laquelle ils sont prisonniers, ou d’un amateur d’art plongé dans la contemplation d’une toile très imparfaite en ayant l’irrationnel espoir qu’elle se change subitement en un chef-d’œuvre, par elle-même, comme par magie ou par transfiguration. »
Et pour finir, laissons parler la plume de Guillaume:
Facteur inéluctable de démocratie, les élections sont la scène par excellence d’expression de la volonté populaire par le biais du suffrage exprimé. Par le vote, l’électeur choisit son candidat. Celui qui répond à ses aspirations, dont le programme de société converge avec ses besoins, qui a du charisme et qui par-dessus tout lui inspire confiance.
Malheureusement, pour l’électeur exigeant et impertinent que je suis, les 5 candidats dans la course ont raté le coche, ce qui m’incite à ne pas me déplacer. Patience, j’en viens aux raisons.
1 – L’absence de réformes constitutionnelles et institutionnelles est pour moi, plus qu’une priorité. C’est une nécessité absolue dans un Etat qui aspire à la démocratie et à l’état de droit.
2 – L’absence de réconciliation nationale due à la non-application des recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation.
3 – Le fait que les 5 candidats se soient entendus sur la défectuosité du fichier électoral. Je n’ai pas compris l’intérêt de participer à un scrutin, dont le fichier est dit « non fiable, mais consensuel ». Soit c’est fiable, soit ça ne l’est pas. Il n’y a pas d’à-peu-près dans mon dictionnaire politique.
Pour ce qui est de ces pantins qui parlent de non-violence dernièrement j’aimerais leur faire savoir que même s’il vaut mieux jouir en paix de peu de choses que de posséder beaucoup dans le trouble, je concède cette citation d’Edmund Cooper qui dit :
« Il vaut peut-être mieux une juste violence qu’une paix à tout prix. »
En espérant que tout ceci nous aura édifiés.
Bonne élection à nous tous; oui à nous tous, car au final nous serons tous dans ces 55 600 km² pendant et après ce scrutin. Le vin tiré, nous le boirons ensemble. Alors puisse-t-il avoir bon goût.
Bien à vous!
A.R.D-A. & Camarades
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