De la notion de « race » et d’africanité
Salutations chères toutes et chers tous!
Cet article m’est inspiré par une passionnante et plaisante discussion que seules des rencontres au sommet comme notre #TweetUp peuvent procurer. Le thème du jour était « Africanité et réseaux sociaux« .
En ces débuts de 21e siècle, époque de mondialisation et de globalisation, de l’internet et de l’intensification des échanges, peu de questions sont aussi épineuses et périlleuses (et par conséquent attrayantes) que celle de la « race »… Eh bien parlons-en.
On va gagner du temps : Oui les « races » existent. Ou du moins ce que l’on essaie de définir par là.
« Ma négritude n’est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour
Ma négritude n’est pas une taie d’eau morte sur l’œil mort de la terre
Ma négritude n’est ni une tour ni une cathédrale » (Aimé Césaire – Cahier d’un retour au pays natal)
De la pauvreté et de l’étrangeté du mot « race »
Déjà, le mot « race » n’existe pas dans ma langue maternelle. Il en est de même pour l’ensemble de critères par lesquels elle se définit, la couleur notamment. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le mot pour désigner « le Blanc » dans ma langue n’a rien à voir avec la couleur.
Tout ceci pour dire que le concept de « race », au sens où nous l’entendons aujourd’hui, est une fabrication occidentale. Et c’est un énorme fourre-tout pas toujours aisé à circonscrire. Peut-être faudra-t-il le changer un de ces jours, et lui substituer quelque chose de plus approprié. Le mot « race » peut s’appliquer à des « variétés biologiques » (Blanc, Noir, Jaune, etc.) tout comme à des « ethnies » (Celtes, Nordiques, Germains, Ouest-Africain, Lobi [Pygmées]) sans problème. C’est vous dire.
De la notion de « race » pure
Il n’existe pas de « race » pure à proprement parler. Il n’en a jamais vraiment existé. L’histoire du monde est très surprenante de ce point de vue, très surprenante. Quand on sait que les premiers habitants de la péninsule ibérique ou d’autres régions d’Europe occidentale étaient plutôt mélaniques, ou encore que les sept cents ans d’occupation maure en Espagne ont laissé des traces dans le génotype…
On peut cependant parler d’« homogénéité » et de « stabilité ». En faisant table rase des nuances, définir un « archétype » : « Africain type », « Asiatique type ». S’en tenir à des critères généraux, les plus déterminants. Car il y a une grande variété de phénotypes au sein d’une même « race ». La « race » africaine notamment.
L’amour des siens n’est pas la haine des autres
Que nous soyons plus enclins à aimer nos semblables n’exclut en rien d’aimer « l’autre », frère et sœur d’humanité. De ce point de vue, le « racisme » est une notion à définir (tout comme la « race »). Car il y un certain racisme qui est universel. Je suis de ceux qui considèrent que, dans leur mécanique globale et au-delà de leur épiderme, les humains sont les mêmes partout sur la planète. Ce sont les systèmes de valeur transmis par l’éducation (l’imprégnation sociale) et le milieu de vie qui font le reste.
« … mon cœur, préservez-moi de toute haine
ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je
n’ai que haine
car pour me cantonner en cette unique race
vous savez pourtant mon amour tyrannique
vous savez que ce n’est point par haine des autres races
que je m’exige bêcheur de cette unique race » (Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal)
De la « Race » et de l’image de soi
Un peuple normalement constitué et en pleine possession de lui-même (de ses ressources mentales et spirituelles surtout) fait graviter son monde autour de lui. Il crée une pyramide du bien dont il est le sommet (ou le centre). Le partage avec les « autres », frères d’humanité, vient en second lieu. Pour exemple, la tendance des peuples à représenter Dieu à leur image, Jésus étant un cas d’école. C’est normal, c’est humain.
Les Chinois appelaient leur pays l’Empire du Milieu, alors qu’ils ne sont pas plus au centre de la Terre que les Papous ou les Andalous.
Ainsi, toute représentation de la réalité, toute mode qui tend vers une négation, une dégradation ou une altération ‘excessive’ de soi-même et de son image (de son soi-par-excellence) est délétère et néfaste:
Pour le dire de manière grossière, au point de vue de l’image, tout ce qui pousse le soi (1) à se transformer en non-soi est anti-soi.
Il est naturel qu’un groupe humain valorise les caractères [extérieurs] qui sont les siens, plutôt que ceux de lointains voisins. Une tendance contraire découle d’un caprice de l’histoire ou d’un dysfonctionnement:
Les nations dites « blanches », par exemple, ne se sont jamais évertuées à obtenir par mille procédés des cheveux crépus…
Un certain processus d’aliénation (2), lent et long, subtil ou brutal, explique le pourquoi du comment de phénomènes tels que le décapage, le diktat du défrisage et des greffes de cheveux de cadavres (pour faire « plus blanche »?). Mais bon, comme le dit si bien l’autre, ce n’est pas vraiment la mèche le problème. Ce sont les causes profondes et les motivations qui gênent.
De la « race » et de l’essence.
Je le dis haut et fort, il n’y a pas de métaphysique du « Noir » ou du « Blanc » ou du « Jaune » (ces notions chromiques sont d’ailleurs très pauvres et réductrices). Les systèmes de valeur ne se transmettent pas par le sang. Parler donc d’une « race » ou d’un peuple de manière essentialiste, en tant qu’absolu atemporel et figé, sans tenir compte du milieu et de l’imprégnation historico-sociale est une erreur (Erreur étant un euphémisme. On se rappelle les délires racialistes d’un certain Adolf). De ce point de vue, la notion d’Africain ou d’africanité peut devenir épineuse (par exemple, aimer Beethoven rend-il moins africain?).
Du peuple et de la culture : Peuple et civilisation
Encore une fois, la connaissance ne se transmet pas par le sang. Cela dit, les cultures sont portées par des peuples. Les civilisations millénaires yoruba, égypto-nubienne, romaine ou encore chinoise ne se sont pas formées « dans le vide ».
Même si philosophiquement, c’est très séduisant d’imaginer un « ensemble d’idées» automotrices qui ne feraient qu’habiter des corps et des peuples comme on copie des données sur une clé USB, il est malgré tout assez difficile de découpler l’éthos d’un peuple de ce peuple même.
Un peuple génère la machinerie conceptuelle et civilisationnelle qui lui permet de survivre, de prospérer et d’évoluer dans son environnement (une fois que les questions de survie sont réglées, elle s’acharne à tendre vers l’universel). Ce sont des peuples qui créent des civilisations et non l’inverse. La civilisation formate et définit le peuple sur la durée, certes, mais jamais en premier lieu.
L’idée de transposer à souhait l’Esprit (habitudes, culture, mode de vie et visions du monde) d’un peuple à un autre, d’une aire géographique à une autre, pour autant qu’elle est très intéressante, peut être dangereuse. Si ce n’est pas par sa radicale impossibilité sur le long terme, au moins par les bouleversements graves que cela suppose. J’en veux pour exemple le culte de la peau « blanche » chez beaucoup d’Africains, héritage de 500 ans sous domination, et les désastres du décapage ( habitude qui est littéralement une auto-destruction) ou toute l’ambiguïté du défrisage. Fort heureusement, le Nappy prend de l’ampleur, on verra bien ce que ça donnera.
« Races » et métissage
La rencontre individuelle entre deux êtres et leur union ne pose pas du tout de problème. Je n’oserais aucune façon la critiquer. Ceci étant, le métissage de masse n’est pas forcément un idéal. Globalement il n’en ressort pas beaucoup de bien, un pays comme le Brésil en est un bel ( ?) exemple.
Le concert des nations
L’humanité est une très belle mosaïque. Par sa diversité, elle transpire « le Beau, le Bien et le Vrai ».
A l’ère des grands échanges et de la mondialisation, il y a deux façons d’envisager l’avenir : un monde multipolaire avec des peuples solidement enracinés sur leurs traditions et leur patrimoine, qui embrassent sainement la modernité et échangent entre eux… ou alors une grande bouillie mondialiste (informe, délétère et babélienne, selon moi). Ce sera la « MacDonaldisation » du monde, en gros.
Vous l’aurez compris, mon choix se porte sur la première option : « Le Concert des nations ».
que ce que je veux
c’est pour la faim universelle
pour la soif universelle
la sommer libre enfin
de produire de son intimité close
la succulence des fruits.(Aimé Césaire – Cahier d’un retour au pays natal)
(1) « soi » au sens « intégral» du terme
(2) Sauf cas particuliers et exceptions, car il y en a.
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