Les résistances en Afrique Occidentale à la colonisation française – Fin

Article : Les résistances en Afrique Occidentale à la colonisation française – Fin
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Les résistances en Afrique Occidentale à la colonisation française – Fin

Salutations chères toutes et chers tous

Dernière partie de notre article sur les résistances en Afrique Occidentale à la colonisation française (ici la première partie), articles qui sont des extraits de l’ouvrage « Le mouvement de libération nationale en Afrique occidentale » de Nikolaj Ivanovič Gavrilov, pp 5-11. 

 


(…) Bien des historiens français, lorsqu’ils décrivaient les campagnes de conquête en Afrique occidentale, présentaient les chefs africains comme des « despotes sanglants », des « barbares », des « négriers ».

Décrivant les prétendues « cruautés » des chefs de la résistance africaine, les historiens de mauvaise foi ne poursuivaient qu’un but : tracer un portrait flatteur des chefs militaires français, en faire des porteurs de progrès, qui affranchissaient l’Afrique d’un « mal séculaire » pour lui donner accès à une « civilisation supérieure ».

colonisation

En réalité, les « despotes sanglants », c’étaient les « porteurs de progrès » eux-mêmes, les colonels et les généraux français, sous la direction desquels se déroulait la conquête de l’Afrique occidentale. Voici comment un officier français, qui avait pris part aux événements, décrit la prise de Sikasso en 1894 par les troupes coloniales : « Après le siège, l’assaut… On donne l’ordre du pillage. Tout est pris ou tué. Les captifs, 4 000 environ, rassemblés en troupeau. Le colonel commence la distribution… Chaque Européen a reçu une femme à son choix… On a fait au retour des étapes de quarante kilomètres avec ces captifs. Les enfants et tous ceux qui sont fatigués sont tués à coups de crosse et de baïonnette… » Ce témoignage est extrait du livre de Vigné d’Octon La gloire du Sabre, publié à Paris en 1900. On rencontre beaucoup de ces descriptions d’ « exploits » perpétrés par les soldats français. Souvent, l’armée coloniale dévastait des régions entières sans nécessité militaire aucune, et, comme le disaient les officiers français, seulement « à titre prophylactique ». Mais dans leurs rapports envoyés à Paris, ces « mesures prophylactiques » étaient décrites comme des combats acharnés s’étalant sur plusieurs jours menés contre « un ennemi supérieur en nombre ».

Au cours des guerres coloniales, l’Afrique occidentale a subi des pertes en hommes plus considérables qu’au cours de toutes les guerres locales durant tout le XIX siècle.

Pourquoi, malgré leur lutte héroïque, les peuples d’Afrique occidentale ne réussirent-ils pas à repousser l’assaut des colonisateurs ? Cela s’explique partiellement par la faiblesse militaire des Africains. Alors que l’armée coloniale était équipée d’un matériel moderne : artillerie, fusils à tir rapide, etc., les guerriers africains n²’avaient souvent à leur disposition que des arcs et des flèches, ou bien, dans le meilleur des cas, des fusils à pierre ou à piston. Évidemment, le rapport des forces n’était pas à l’avantage des africains. Cependant l’isolement fut la cause essentielle de leur défaite. Dans sa lutte contre les colonisateurs, chaque État s’appuyait, en règle générale, sur ses propres forces… Durant tout la période de l’ « épopée coloniale », c’est-à-dire durant les 25 à 30 ans, les Français n’eurent jamais en face d’eux un front uni de la résistance africaine. Bien plus. Les États africains occidentaux n’essayèrent même pas de s’allier entre eux, ils se déchiraient au contraire les uns aux autres. Les colonisateurs exploitaient habilement les guerres intestines des féodaux africains. Ils excitaient un État contre l’autre, pour, ensuite, se précipiter sur le « vainqueur » affaibli. Ainsi, les colonisateurs français réussirent à écraser un à un tous leurs adversaires avec une relative facilité.

Nikolaj Ivanovic GAVRILOV, Le mouvement de libération nationale en Afrique occidentale.


 

Addendum

Qu’il soit permis de faire remarquer la similarité (tragique) de la situation au XIXè siècle avec l’époque actuelle. Les mêmes causes conduisant aux mêmes effets, la désunion  des nations africaines aujourd’hui face aux manipulations intérieures et extérieures est pour beaucoup dans l’actuelle faiblesse du continent. Au lieu de songer à une intégration plus forte à l’échelle sous-régionale, voire continentale, les états actuels, obstinément et mièvrement tournés vers leurs anciennes métropoles le plus souvent, font le lit de leur servitude.  Maîtriser son passé est un impératif de survie, ne dit-on pas que « ce qui ignorent leur histoire sont condamnés à la répéter (ou à périr) »?

Ajoutons que si le présent article parle de l’épopée coloniale française, ce n’est qu’incident, il ne s’agit pas d’indexer particulièrement la France. D’ailleurs, en terme de massacres et de destructions, les français n’ont rien à envier aux anglo-saxons, aux ibériques et aux germains, passés maîtres dans l’art du massacre à grande échelle et de la violence organisée.

Il serait d’ailleurs contre-productif et paresseux de fustiger uniquement la France aujourd’hui, car, du reste, elle n’est plus vraiment aux commandes en Afrique, remplacée (chassée?) par des impérialistes peut-être plus subtils mais tout aussi implacables, sinon plus, notamment l’Empire américain et ses multi-nationales.

 

Ceci conclut assez éloquemment on l’espère cette petite incursion dans le passé, un passé relativement proche s’il en est.

 

Bien à vous

A.R.D-A.

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Commentaires

franck
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Deuxième volet et déjà la fin, voilà qui est fort attristant vu le sujet qui aurait eu le bénéfice d'un traitement plus en profondeur... Tan pis !

renaudoss
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J'aime à penser qu'on y reviendra bien assez tôt! :)

Eli
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Merci pour le devoir de mémoire afin de tenter de comprendre le présent de l'Afrique. S'il est vrai qu'on peut imputer à ces résistants l'incapacité de mettre en commun leurs forces, les divisons actuelles sont bien plus impardonnables. En cette époque où nous sommes plus avisés que nos aieux des enjeux de l'intégration, notre inaction n'est que l'expression du refus d'exister dans la jungle des relations internationales. Encore merci la bas