Quelques (très) grands esprits que nous ne connaissons pas forcément (1)
Salutations chers tous.
Alors dans cette série d’articles spécial « grands esprits » (trois articles), nous allons évoquer quelques personnages historiques, neuf en tout, à raison de trois par article. Certains sont sans doute déjà très connus, d’autres le seront peut-être un peu moins. D’où le titre d’ailleurs 🙂 . Nous allons plonger subrepticement et furtivement dans les méandres de notre longue histoire, car l’humanité a engendré de bien belles choses derrière elles, il n’y a pas que de la fange et de la médiocrité. La nature humaine est surprenante, pas seulement à cause de son côté décevant, exagérément « pervertible » et manipulable, mais aussi par la beauté qu’elle recèle, par les perles qu’elle fait apparaitre par moments. Bien que ce soit des personnages historiques, ceci est une liste relativement subjective, cela va de soi, et en aucune une sorte d’échelle universelle. Définir un top 10 des grands esprits est une tache risible par sa complexité et sa difficulté normative et épistémologique. (Clonazepam)
Alors, si nous y allions?
Numéro 1: Imhotep
Imhotep (IM-HOTEP, « Prince de la Paix» ou « le sage qui entre dans la paix » ) est un personnage historique emblématique de l’Égypte antique et sans doute un des plus grands génies de tous les temps. Il vécut au IIIe millénaire avant notre ère, et fut un homme aux multiples talents. Il fut Vizir, architecte de Djoser (IIIe dynastie), médecin et philosophe.
Sur le socle d’une statue du roi Djéser (aujourd’hui au musée du Caire), il est présenté comme « Le chancelier du roi de Basse-Égypte, le premier après le roi de Haute-Égypte, administrateur du grand palais, noble héréditaire, grand prêtre d’Héliopolis, Imhotep, le constructeur, le sculpteur ». (Wikiepedia)
En tant qu’architecte, il battit la pyramide à degré et le complexe de SAQQUARA. Une des plus célèbres constructions de l’Égypte ancienne. Selon l’histoire officielle, Saqqarah a ouvert la voie aux autres grandes pyramides, notamment le légendaire trio Khouffou-Khafra-Menkaouré (Khéops, Khéphren et Mykérinos).
Ses travaux de médecine sont consignés notamment sur les papyrus SMITH (Edwin Smith), et Ebers dans lequel 90 figures anatomiques et 48 remèdes sont décrits. C’est 2200 ans avant la naissance d’Hippocrate, « père » de la médecine. Cela va sans dire, une bonne part de ses travaux s’est perdue au fil des quelques 5000 ans qui nous séparent de l’ancien empire de Kémèt.
C’était un « dieu » (ceci n’est pas une métaphore)
Mais, il y a mieux : Imhotep était tellement un « boss de chez boss » qu’il a été divinisé (en dieu de la médecine) par les grecs, sous le nom d’Asclépios. Asclépios deviendra Esculape pour les romains. C’est ce qui s’appelle réussir sa vie. Dire qu’aujourd’hui les Einstein, Edison, Oppenheimer et autres génies sont considérés comme des rock-star de la science… Comme dirait le président Bobo « Petits joueurs ! »
Numéro 2: Ahmed Baba
Notre second numéro est un personnage non moins remarquable.
Ahmed Baba, né Abu Al-‘abbas Ahmed Ibn Ahmed Al-takruri Al-Massufi le 26 octobre 1556 à Tombouctou (alors partie de l’Empire songhaï) et mort le 22 avril 1627 à 71 ans, était un savant et homme de lettres ouest-africain qui a résisté à l’envahisseur saadien (dans la zone de l’actuel Maroc). Il est capturé et retenu prisonnier par le sultan Ahmed Al-Mansour.
Bien que généralement ignorée, sa pensée revêt une envergure telle que, pour les spécialistes, elle résume le génie intellectuel des Grands Empires sahéliens médiévaux. « Au Soudan, et à Tombouctou en particulier ; toute la littérature arabe est incarnée en quelque sorte dans ce célèbre personnage » – Introduction au Tarikh Es-Soudan de Sadi, par O. Houdas. (Sources Wikipedia & Ethiopiques)
« Ô toi qui vas à Gao fais un détour par Tombouctou. Murmure mon nom à mes amis et porte leur le salut parfumé de l’exilé qui soupire après le sol où résident sa famille, ses amis, ses voisins (Ahmed BABA)
Le centre d’étude des manuscrits du désert à Tombouctou porte son nom depuis sa création en 1970 par le gouvernement malien avec l’aide de l’UNESCO.
La légende voudrait qu’il ait écrit près 700 ouvrages à lui-tout seul, sur tous les thèmes possibles et imaginables à son époque. Si ça ce n’est pas mettre du cœur à l’ouvrage, je ne sais pas ce que c’est
Regrettablement, une bonne par de ses manuscrits, tout comme l’énorme documentation que nous ont laissé les grands érudits de l’empire du Songhai et du Mali, reste non traduite, pour ce qui a survécu, (Textes en Arabe et en Ajami) et « conservée » à Tombouctou ou au Moyen-orient (1).
Numéro 3: Zéra Yacob
Zéra Yacob (1599–1692) était un philosophe éthiopien du XVII siècle. Son traité de 1667, connu dans sa langue originelle (le Ge’ez) comme la Hatata, a souvent été comparé au « Discours de la méthode » de René Descartes (1637). Son ouvrage appartient à une période où les sources de la philosophie africaine étaient essentiellement sous forme orale (« essentiellement », pas « exclusivement », hein).
Zéra Yacob préférait suivre son propre raisonnement (sa raison) plutôt que de se fier uniquement au idées d’autrui. Un personnage qui fort sympathique, surtout par ces temps où règnent l’obscurantisme de pub télé et le fanatisme religieux.
La Hatata est un traité euristique basé sur la « Raison« . Sa pensée était centrée sur le principe d’harmonie. Il affirmait qu’une action est définie comme morale selon qu’elle confortait ou dégradait l’harmonie du monde. Il rechercha plutôt la vérité dans l’observation du monde naturel (Tu entends ça Boko ? Tu devrais essayer) Bien que son ouvrage soit centré sur « la raison », il n’en est pas moins un théiste:
« Si je dis que mon père et ma mère m’ont engendré, alors je doit chercher celui qui a engendré mes parents et les parents de mes parents jusqu’à ce que j’arrive aux premiers qui n’étaient pas engendrés mais était venus au monde sans être engendrés
Pour Yacob, appréhender Dieu ne dépend pas de l’intellect mais « notre âme a le pouvoir de concevoir Dieu et de le voir mentalement. Dieu n’a pas donné ce pouvoir sans raison ; tout comme il a donné ce pouvoir, de même il en a donné la réalité » (Autrement dit, le fait que l’esprit ou l’âme humaine «intuitionne » et subodore l’existence de Dieu est intrinsèquement liée à son existence; l’homme sent que Dieu existe parce que Dieu existe. CQFD… c’est assez élégant, je trouve)
Voilà, ça fait trois.
Je conclurai cette première partie en rappelant que ceci est à la fois non exhaustif et relativement subjectif, il y a eu trop de grands esprits sur cette planète pour les faire tenir dans les limites de cette esquisse. Plus spécifiquement, pour l’Afrique ce ne sont pas les philosophes qui manquent: Ptah Hotep, Aménémopé, Kocc Barna Fall, Ibn Khaldoun ou encore le fameux germano-ghanéen du siècle des Lumières Anton Wilhelm AMO ou Antoine Guillaume AMO (2), etc. etc. etc.
Ceci est un bref aperçu de quelques personnages intéressants de l’histoire plus ou moins lointaine. Nous poursuivrons bientôt avec d’autres « têtes ».
Bien à vous
A.R.D-A.
(1) Franchement, on s’est bien fait avoir sur cette affaire de « continent sans écriture », c’est moi qui vous le dis!, je fais remarquer au passage que la majorité des Européens n’ont pas inventé d’écriture non plus. Le latin n’a pas été inventé par les ancêtres des français, anglais ou allemands mais par les romains. Le billet est en train d’être écrit avec des signes « latins », et non français! Enfin, on y reviendra certainement
(2) Malheureusement pour ce dernier, il est plus connu pour sa couleur de peau qu’autre chose, bien que ce soit un remarquable penseur (voir son traité « De Humanae mentis apatheia« ). C’est drôle que Hegel, qui pourtant est un esprit remarquable, se soit abaissé à raconter des inepties pareilles sur l’Afrique dans son Introduction à la raison dans l’histoire, alors qu’il devait savoir tout cela…ça laisse songeur.
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