La violence dans l’Histoire (1)
Prolégomènes :
Ce billet ne sera ni une incitation à la violence, ni une apologie de la violence « aveugle » ou non. Encore moins un procès à telle vision du monde ou tel courant de pensée. (https://eluminoustechnologies.com)
Ceci se veut une discussion amicale et, je l’espère, aussi plaisante qu’édifiante. Une réflexion strictement théorique au sujet de la « Violence dans l’histoire », au sens global du terme. J’ai trouvé intéressant de mettre le doigt sur certaines contradictions doctrinales auxquelles nous nous heurtons souvent. Notamment dans nos pays « autrefois » colonisés et soumis à la prédation de puissances extérieures.
Salutations, chères toutes et chers tous!
J’accouche ces quelques lignes suite à une plaisante rencontre entre twitos de Lomé (un #TweetUp ça s’appelle. Comme le montrent quelques articles Lumineux et Parlants de mes camarades, nous n’en sommes pas à nos débuts, oui bien cher Petit écolier?). Bon, on s’égare, la violence dans l’histoire donc:
De la violence… comme moteur de l’Histoire.
Au fil de notre discussion, j’ai été amené à aborder la question de la violence. Pour moi, tout est parti de ce constat assez perturbant, surtout par sa récurrence. La violence semble être un important moteur ou auxiliaire des principaux mouvements de l’Histoire. Pour toute personne éduquée et formatée dans le cadre démocratiste et droit-de-l’hommiste bisounours, pour toute personne « instruite » et « civilisée », certains faits d’histoire peuvent sembler très paradoxaux, voire violemment aporétiques.
Ce qui est rationnel est effectif, ce qui est effectif est rationnel… F. Hegel https://t.co/rdOuUBenGJ via @po_st
— Lilium Inter Spinas (@Renaudoss) 29 mars 2015
La violence organisée : à la source de toute grande civilisation
A mon plus grand déplaisir, je ne connais aucun grand changement politique et historique qui soit le fruit exclusif du « débat d’idées ». Il y a débat d’idées, certes, mais à un moment donné, il y a acte. Et les actes sont rarement des danses autour du feu. En cas de désaccord prolongé et insoluble, quelqu’un finit par taper du poing sur la table.
Globalement, toutes les grandes civilisations commencent par un acte de violence, la violence sous sa forme la plus radicale et frontale : la guerre. Ceci vaut pour les douze mille ans que couvre l’Histoire officielle* :
L’empire du Mali commence avec la bataille de Kirina; ce n’était pas un petit café entre Keita ou Soumahoro Kanté, on est d’accord.
L’empire romain commence de façon très révélatrice avec le mythe du « meurtre de Rémus par Romulus». Ne parlons même pas de la façon dont l’Imperium Romanum a grandi et prospéré ( avec les mille et une campagnes militaires, les guerres puniques, etc.)
La suprématie de l’Angleterre et de la civilisation anglo-saxonne s’est forgée dans de nombreuses batailles décisives ( L’Invincible Armada, Trafalgar, Waterloo). Ce n’est pas à cause de la beauté de ses idées philosophiques ou à cause de son porridge qu’elle a dominé le monde et continue de le faire, mais à cause de sa grande maîtrise de la violence organisée. Tout le reste, l’économique, le linguistique et le culturel, les voies de communication est dépendant de ce facteur fondamental.
Même la brillantissime civilisation africaine de Ta-mery (L’Egypte ancienne) commence avec la Sématawoui : l’union des Deux Terres. Laquelle union n’a pu se faire qu’après que le roi-chasseur Narmer-Menès a botté les fesses aux rois des 41 autres petits royaumes et les a forcés à s’unir sous son autorité.
La violence (intelligemment et sagement dirigée, je précise) semble une nécessité de l’histoire, un impératif catégorique indépassable. C’est assez perturbant pour quelqu’un qui a reçu la formation, ou plutôt le formatage intellectuel que nous donne l’école.
La violence précède et garantit le droit, et jamais l’inverse
Ce qui est vrai pour les civilisations l’est aussi pour la loi, ou le droit. La loi n’est garantie que sous l’autorité d’un puissant qui, en dernière instance, punit les contrevenants: On respecte une loi parce qu’on risque subir les foudres de sa divinité ou de sa société en cas de transgression. (Ultram)
La loi tire donc sa force et son essence dans le châtiment (du moins à ses débuts, car par habitude et apprentissage, on se « conduit bien » tout seul. On intègre la loi). Le châtiment peut découler de l’autorité au sommet (exemple du monarque) ou plus indirectement, par une caste d’oratores et d’hommes de loi (exemple de la « caste » des magistrats dans les sociétés modernes). Quoi qu’il en soit, la loi n’est rien sans la violence intrinsèque qu’elle porte et brandit. La maxime « dura lex sed lex » est d’ailleurs tout à fait édifiante.
Pour mémoire : le code civil français (dont nous avons hérité) est né sous Napoléon Bonaparte, pas vraiment un démocrate. Il en est de même pour le Kurukan Fuga (la charte du Mandé, une des premières constitutions de l’histoire) qui fut rédigé après la bataille de Kirina.
J’irai même plus loin en disant que celui qui possède la force définit ce qui est légal ou non, punissable ou non, du moins dans cadre restreint où s’étend sa domination.
« N’oubliez jamais que l’action d’Hitler était légale en Allemagne » Martin Luther KING
L’outrance du «débat d’idée » voltairien ou la castration d’une lutte.
Nous, jeunes ‘éduqués’ d’Afrique, nous avons appris à mépriser la force brutale, et indirectement à avoir un souverain mépris des « coups d’Etat » (très souvent à juste titre, je le précise également). Mais il serait intéressant de s’interroger sur l’utilité objective de nos « convictions ». Car dans ces conditions, il y a deux choses :
- : Si l’intelligence brille plus que la force brute, la force brute pèse plus lourd. Les deux ensembles brillent et pèsent !
- : Si les sages, les raisonnables et les érudits n’ont pas le contrôle de la violence, d’autres le prendront. Quant à savoir qui sont ces autres et ce qu’ils en feront…
On peut légitimement se demander « à qui profite le crime », ou plutôt « à qui profite le débat d’idées» ? Car, de ce point de vue, et de ce point de vue seulement, tout comme il est utile de tuer le patriotisme dans l’âme d’un peuple qu’on veut maintenir sous domination, il est tout aussi utile de « castrer » sa résistance. La castrer en l’engluant dans le culte du discours, en la faisant errer dans un labyrinthe de propositions-négociations-revendications.
Et là, comme dirait Gandhi:
Il est préférable d’être violent quand la violence emplit nos cœurs que de revêtir un manteau de non-violence pour cacher notre impuissance. Mahatma Gandhi
Arrêtons-nous donc ici pour l’heure.
Bien à vous
A.R.D-A.
« Alors parla le brave Horatius, le capitaine de la porte : “Tôt ou tard la mort arrive à tout homme sur la terre, et comment mourir mieux qu’en affrontant un danger terrible pour les cendres de ses pères et l’autel de ses dieux ? “
(*) pour ce qui a existé avant, on va dire qu’on n’en sais pas grand-chose.
Commentaires