La fin du Monde (Urbain AMOUSSOU) – Ecrits confinés

Article : La fin du Monde  (Urbain AMOUSSOU) – Ecrits confinés
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27 mai 2020

La fin du Monde (Urbain AMOUSSOU) – Ecrits confinés

Appel à textes – Ecrits Confinés
Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux du Covid-19, surtout dans ce contexte confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant. Rêver un futur possible ; stimuler et motiver.

Notre 5è texte est une courte nouvelle, La fin du monde , de Urbain Amoussou

Urbain Amoussou, Ecrivain, Editeur, Entrepreneur

Lecture, La fin du monde

Lorsque la situation est devenue ingérable et qu’on avait atteint près d’un demi-milliard de morts, et plus de quatre fois de contaminés, les pays étaient devenus une fois encore individualistes. Une réaction toute prévisible, car les gouvernements, où qu’ils soient sur terre, sont constitués des plus orgueilleux des humains.

Chaque pays démarra son projet de survie. Les noms allaient de semences du futur, Heaven, Tempête virale à Apocalypse…. Chaque Etat souverain avait son idée sur comment garder son humanité, en d’autres termes son peuple, pour une repopulation après que la terre soit guérie. Les programmes variaient, mais tout le monde était d’accord qu’il fallait repeupler la planète avec les meilleurs, les plus aptes, les plus intelligents, la quintessence de chaque nation. Bien entendu, il y avait ceux qui étaient convaincus que des représentants mâles étaient les plus à même de défendre leur place sur terre, d’autres lancèrent des programmes de formation de militaires de haut niveau, certains proposèrent des artistes, des écrivains, des ingénieurs, des religieux… Il y avait bien entendu des choix suivant la tête, la richesse et suivant d’autres bassesses tout à fait humaines. Même face à cette fin, presque une annihilation complète les êtres humains n’avaient pas beaucoup évolué et plus que jamais ils risquaient de repeupler la planète avec des êtres égoïstes et immatures. 
Je faisais partie du comité scientifique chargé de la question dans mon pays. Nous étions 13, afin d’avoir des avis démocratiques et statitisquement valables :

Professeure Anice 40 ans d’expérience en biologie moléculaire, Pr Djesso 30 en physique quantique, Pr Hamar virologue, enseignante depuis près de 50 ans … Les 13 personnalités étaient la crème de la crème, reconnues pour leurs recherches théoriques, pratiques et leurs capacités cognitives et intellectuelles. Toute la communauté nationale et internationale reconnaissait leur sagacité.
Nous avions tous plus de 50 ans d’âge moyen et encore plus en matière de connaissances. Le temps pressant, nous nous convînmes finalement après de mûres et profondes réflexions que les meilleurs représentants étaient là devant nous : nous-mêmes. En effet, s’il fallait rechercher d’autres personnes, les former à la survie, s’assurer qu’ils ont de bons gènes, voir leurs capacités de réactivité psychologique dans un environnement contraignant… Il nous aurait fallu des mois et des mois pour être prêts et justement le temps nous manquait. Et parlant du temps, nous nous concentrâmes d’abord sur une manière de nous en donner pour trouver une solution. De la pure logique, aussi, lorsque les autres recherchaient les meilleurs candidats à leur programme de survie et que ces derniers se faisaient terrasser les uns après les autres par un adversaire invisible, mais si dangereux, il nous parut, à nous, que la meilleure manière de sauver l’espèce humaine était de se donner le temps en nous préservant.
La décision ne fut pas facile à prendre et il fallut expliquer à des politiciens véreux et narcissiques qu’ils n’auraient pas de place au bord de l’arche. Ils voulurent bien, pour certains nous retirer le projet, mais ils l’auraient fait que les chances de survie de la planète auraient été réduites presque à néant.

Nous nous mîmes au travail et eurent tôt fait de développer une solution physiologique de maintien de la vie en stase et ainsi attendre la fin de l’épidémie et ensuite reprendre le travail et trouver une solution au virus. Ce que nous ne pouvions expliquer à tout le monde, à toutes ces personnes qui espéraient que nous saurions trouver une solution au virus ou du moins sauver l’humanité d’une manière ou d’une autre est que la seule solution était le temps. 

Virus – Source: Futura-science.com

Le virus était une vraie chimère, et même s’il venait d’un laboratoire, en bon virus, il s’était adapté à notre environnement et continuait d’évoluer. Aucune statistique, prévision, projection ou réflexion ne marchait avec ce virus-ci. Nous avions eu la peste, l’Ebola, le VIH, la rage, le H5N1, le Marburg … Mais rien de comparable à la COVID, si fantastique qu’il en devenait illusoire. Elle changeait, se déplaçait tantôt par l’air, tantôt par le sang, on le retrouva aussi bien dans la salive que dans le liquide séminal. Les vaccins, les médicaments et autres traitements développés devenaient obsolètes après quelques semaines. Et chaque jour des millions de cadavres s’entassait dans les rues et il n’y avait plus assez de places pour les enterrer et d’ailleurs, personne ne voulait plus toucher à qui ou quoi que ce soit. Respirer devenait mortel.
Nous nous mîmes donc en diapause induite et les caissons étaient couplés à un détecteur de virus. Le caisson ne s’ouvrirait que lorsqu’il n’y aurait plus de particules virales dans l’atmosphère. Il ne nous restait qu’à attendre la fin, que la planète ait éliminé de lui-même cette menace. C’était, je l’avais déjà dit, la seule solution possible. Ce que nous pouvons faire, c’est prendre des personnes capables de pouvoir renaître dans un monde qui sera différent à jamais de ce que nous connaissons, voire hostile. Et il n’y avait pas mieux que nos cerveaux pour faire cela. (www.madisonavenuemalls.com)

Quand nous nous réveillâmes je sus automatiquement que quelque chose n’allait pas. J’étais le premier à me réveiller. Les autres sortirent quelques minutes après.
Nous nous regardâmes. Un truc a dû mal fonctionner. J’eus du mal à m’extirper de ma capsule de diapause, mes muscles étant engourdis par des années d’inactivités, mais c’était plus que cela. Ma peau était ridée et dans le miroitement de la vitre de la capsule, je vis un visage émacié et des yeux vitrifiés et laiteux. Je soulevai avec mal mon bras et une chair asséchée pendouillait de mon avant-bras. Un squelette aux cheveux blancs rares me regardait.
La première qui eut l’idée de vérifier la date était la Pr Anice. Elle écarquilla ses yeux bridés par la vieillesse. 

450, dit-elle.
Quoi ? Lança quelqu’un.
« On a fait 450 ans dans le caisson » répéta-t-elle lugubre.

Nous avions pensé à quelques mois voire deux ou trois ans, mais pas 450 ans.
Bien que le caisson ait ralenti le temps, des millisecondes sur plusieurs siècles, couplées à une amyotrophie et la sénescence naturelle, la vieillesse des membres du comité – tout cela réunit, nous étions sortis comme des vieillards de plus de 100 ans.
Nous n’avions plus le temps de sauver qui que ce soit. Ni le reste de l’humanité, ni nous-mêmes.

Si au moins nous étions jeunes, on aurait pu utiliser une multiplication naturelle, biologique. Copuler pour sauver l’humanité, maintenant que le monde est propre. Mais ça aussi nous ne pouvions plus, nos horloges biologiques étaient mortes et au vu de la tête du Pr Anice, aucun de nos organes ne sauraient s’attirer.

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