La COVID-19 dans le couvent de Couvong – Écrits confinés

Article : La COVID-19 dans le couvent de Couvong – Écrits confinés
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20 mai 2020

La COVID-19 dans le couvent de Couvong – Écrits confinés

Appel à textes – Ecrits Confinés
Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux du Covid-19, surtout dans ce contexte confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant. Rêver un futur possible ; stimuler et motiver.

Notre 4è texte est une courte nouvelle, La COVID-19 dans le couvent de Couvong, de Gérard  MAHINOU

La COVID-19 dans le couvent de Couvong – Écrits confinés


La réunion de sensibilisation et d’information sur le mal de l’heure prit fin à dix-sept heures à Couvong. L’impression qu’on pouvait avoir de cette rencontre, de cette impérieuse rencontre mais surtout de cette improvisée rencontre vue l’urgence, c’est le sentiment d’angoisse, de désolation facilement remarquable sur la noria de frimousses regagnant les pénates. Les paroles du lieutenant Mbouka martelaient dans les cervelles comme le son d’un orgue : pas de sortie, pas d’entrée, pas de visage sans cache-nez, pas de salutation avec les mains, pas de regroupement, pas de marché, une litanie de  » pas  » qui se résumait à une interdiction formelle de sortir non seulement de Couvong où se trouve le couvent où couvent les germes du virus de Corona dans la région du centre, mais aussi et surtout de sortir de la maison, de 20 heures à 6 heures. 


Les habitants de Couvong étaient stupéfaits, les adultes terrifiés et les enfants médusés. La peur gagna les villages environnants. La pandémie qui fait grand bruit depuis un certains temps sur les chaînes de télévision, de radio et les réseaux sociaux était dans les murs de Couvong. À Couvong, on savait que la maladie était là, elle rodait partout à la recherche des victimes à attaquer, des victimes qui s’ajouteraient aux milliers déjà comptées ici et ailleurs, les victimes d’ici et d’ailleurs. On savait que le village était sur-le-champ bouclé par les forces de l’ordre et que ceux qui iront à l’encontre de ces mesures auraient sur un plateau d’or du thé au lait et d’un pain beurré à savourer. L’embarcation des cas détectés avait créé un climat de psychose, car on ne savait pas qui pouvait être porteur ou non de ce virus. 

La COVID-19 dans le couvent de Couvong – Écrits confinés, Source image: www.kindinbenin.com

La peur était plus grande, car nombre de personnes avaient été en contact avec les victimes décelées qui avaient quelques jours plus tôt organisé une retrouvaille festive au cours de laquelle des gens venus de près ou de loin, avaient assisté à des pratiques rituelles où danses, transes et remontrances spirituelles étaient à l’honneur. Face à cette situation, le lieutenant Mbouka avait été ferme : pas de sortie, pas d’entrée, pas de visages sans cache-nez, pas de marché, pas de…….
Comment pouvaient-ils assurer leur ration quotidienne en se privant de leur menues activités, en restant cloitrés dans leurs chambres à cause d’une certaine « peste humaine » qui se propageait à une vitesse extraordinaire et qui était parvenue dans leur localité, Couvong à travers le couvent d’un groupe d’expatriés installés il y a une dizaine d’années. Un couvent à Couvong qui avait couvé en un jour onze cas de malades infestés par le virus du Corona.
À Couvong, la plupart des habitants étaient des agriculteurs installés à la recherche des espaces, des espaces de vie, des espaces cultivables. Les femmes en saison morte ravitaillaient la ville en bois de chauffe et en charbon afin d’aider leurs maris à joindre les deux bouts. Chaque jour, on les voyait en longues files traînardes, des petits fagots de bois ou du charbon sur la tête, rallier la ville. Comment pouvaient-ils donc survivre alors même qu’ils vivaient au jour le jour des petites recettes perçues de la vente de ces marchandises. Comment pouvaient-ils rester cloîtrés dans leur maison, vivre éloignés l’un de l’autre alors même que leur survie était fondée sur la solidarité et la vie associative.

Mais la réalité était là. Le virus était à Couvong. Il rôdait partout surtout au Couvent de Couvong. Et gare à celui qui irait contre les mesures du gouvernement. Les forces de l’ordre qui ne sont pas arrivées là pour organiser le désordre lui donneraient du thé au lait et du pain bien beurré à savourer.
Le lendemain du jour où l’information a fait son atterrissage à Couvong, les forces de l’ordre rodaient partout pour empêcher les récalcitrants d’embrasser le virus qui rôdait aussi partout comme un loup affamé. Un silence implacable planait sur le village terrorisé par l’information de la présence de cet ennemi redoutable, de ce virus de Corona qui constituait l’épée de Damoclès sur chaque famille. Seuls quelques rares jeunes pavanaient dans le village, la bouche et le nez protégés par un morceau de tissu. Les vieux et vieilles étaient cloîtrés dans les chambres attendant qu’un coup de chance sonne le glas à cette pandémie. Mais à quand la fin ? Ils ne savaient pas. 

Ils n’étaient pas informés que le gouvernement avait décrété trois bonnes lunes d’état d’urgence sanitaire au cours desquels personne, même un cafard, ne devrait mettre son nez dehors entre vingt heures et six heures du matin. Pouvaient-ils faire du surplace pendant ces trois mois ? Pour les habitants de Couvent, c’était une gageure. Ce n’était pas possible. La seule journée passée entre quatre murs les avaient rendus malades. Ils passèrent la nuit à évaluer les pertes : les espaces non labourés qui attendaient, le retard dans la semence et la germination, le charbon déterré et non vendu, etc. Mais la réalité était là. Le virus est là, la mort planait et il fallait observer les mesures barrières pour se prémunir de la mort. Face à cette situation, le lieutenant Mbouka et ses agents martelaient : pas de sortie, pas de d’entrée, de visages sans cache-nez, pas de marché, pas de…….
Une semaine après, la cohorte militaire dépêchée pour assurer la sécurité était fière de la discipline qui y régnait et du respect des consignes par la population. Après leur compte-rendu à la hiérarchie, une forte délégation du ministère de la Santé arriva pour évaluer la situation. Lorsque les membres de la délégation s’introduisirent dans quelques maisons, ils se rendirent compte que seuls les vieux et les veuilles étaient accrochés à leurs taras. Une grande partie des habitants avaient vidé le village. Ils étaient tous au champ. Mais par où étaient ils passé alors ?
_ « Nous sommes nés ici et nous maîtrisons des voies pour nous rendre tranquillement dans nos champs. Qu’avez-vous apporté pour nous permettre de nous nourrir pendant tout ce temps que votre virus va séjourner chez nous. Personne ne peut nous interdire de chercher notre pain quotidien. Nous préférons mourir de ce maudit virus que de mourir de faim », déclara un brave paysan retrouvé dans son champ avec toute sa famille.
Un autre d’ajouter :
_ Nous connaissons des racines et des feuilles pour nous traiter si ce virus nous attaquait ; laissez-nous tranquille.
Désorientés et déboussolés, les membres de la délégation repartirent, conscients des difficultés de survie de certaines populations, des difficultés de mises en œuvre des mesures de lutte contre le COVID-19 et de la misère ambiante au sein de ces populations, qui, au péril de leur vie, ne sont pas prêtes à observer les mesures du gouvernement qui reconnaissent-ils sont à leur avantage.

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