Textes Confinés : Gamaliel

Article : Textes Confinés : Gamaliel
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10 mai 2020

Textes Confinés : Gamaliel

Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux du Covid-19, surtout dans ce contexte confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant. Rêver un futur possible ; stimuler et motiver.

Le deuxième texte de notre série est titré: Gamaliel

L’auteur : ADZEODA Kossi Atekana Dan. 20 ans, étudiant en troisième année au département d’allemand de l’Université de Lomé. La musique et la littérature constituent sa passion.

Lecture 🙂

Dans un royaume du nom de Messifa, il existait un roi dénommé Gamaliel. Il était un jeune homme beau, élancé, avec des cheveux de soie et passait pour le plus fortuné de tous les rois de son temps. Fort et puissant dans les combats, il ne cessait d’éliminer ses ennemis. Ce qui faisait que même les embryons, aussi virtuels qu’ils aient-ils été, réclamaient ce nom depuis le sein de leurs mères. Ce qu’on enviait, au-delà de toutes ces considérations, chez lui, était son entourage. Gamaliel à qui l’éthique, la raison et la science manquaient n’hésitait pas à faire la compagnie de ceux qui en possédaient et à vivre avec les sages.

     Pourtant il y avait en ce temps une
pandémie qui ravageait amèrement le royaume Messifa. C’était une maladie qui
durait depuis quatre mois auquelle on attribuait le berceau au pays des
nombres. Lentement, irrésistiblement, avec ampleur, cette maladie poignardait les
cœurs de par ses dégâts. Gamaliel se rendit compte de la calamité qu’endurait
son royaume. Malgré les mesures barrières et sensibilisations préconisées pour
éradiquer le mal, il ne cessait d’entendre des cris de mort dans ses centres
médicaux et dans le royaume. Le roi, ne sachant à quel saint se vouer,
désespéré, soucieux de l’avenir de son peuple n’arrivait plus à dormir. Il
avait failli, d’ailleurs, étrangler un de ses enfants qui le dérangeait pour
des futilités en ce moment sombre de sa vie. Des jours passèrent mais la
situation perdurait. (https://ausoma.org/) Privé de tout bourdonnement continuel qui faisait le même
effet que les voix des onagres dont on ne dissociait les majeurs des mineurs,
le roi décida alors de faire appeler tous ses conseillers: divins, astrologues,
scientistes, pour une assise extraordinaire afin d’envisager des solutions
digne de nom à cet embrouillamini et que l’histoire poura retenir pour la
progéniture.

 Tous se
présentèrent devant le roi à l’heure prévue. Impatient, sans contours, Gamaliel
prit la parole au milieu de l’assemblée et leur parla ainsi: Nul n’ignore parmi
vous le moment alarmant, mélancolique que nous vivons à présent. Un fléau qui a
réduit à moitié  notre économie; il a
dévasté l’agriculture, l’élevage et le commerce. Des jours de ténèbres se sont
abattus sur nous; La joie a cessé dans nos cœurs. Je voudrais chers confrères,
loin des mensonges, faussetés et 
flatteries, que vous me disiez ce que la science, les astres ou les
dieux vous révèlent comme solution à ce phénomène. Dans une atmosphère
d’hypocrisie de soulagement, les conseillers répondirent au roi: Ô sa majesté,
roi de tous les rois de l’univers, toi devant qui montagnes et collines
tremblent, honneur et louange soient rendus à toi seul d’éternité en éternité.
Sa majesté, nous n’en demeurons pas en moins sur la situation du royaume. Tout
a été mis en compte  pour faire
disparaître cette contagion au milieu de ton peuple. Nous avons fermé nos
frontières et tous les lieux de rassemblement. Les habitants respectent
scrupuleusement le confinement grâce à tes mesures d’accompagnement; nous
faisons quotidiennement respecter les règles d’hygiène à la population. Tous
tes adversaires politiques, avec leurs propres biens, dépourvus des querelles
du royaume s’allient maintenant derrière toi pour sensibiliser la population
dans les coins les plus reculés. Mais ce que le roi demande est difficile; il
n’y a personne d’entre nous qui puisse donner une solution certaine au roi,
excepté les dieux dont la demeure n’est pas parmi les hommes. Étonné par ces
propos, le roi se mit en colère et ordonna qu’on emprisonne à perpétuité tous
ses conseillers en qui il avait mis toute sa confiance.

   Dès lors, il y eut dans le royaume un
vieillard, un ancien général qui avait combattu du côté du grand père de
Gamaliel. Il était doué d’une sagesse que Jupiter approuvait et savait du monde
ce qu’on en a su dans tous les âges. Pourtant on le sollicitait rarement sur
les affaires de la société car sous le coup des âges et de l’effet de la
guerre, on ne pouvait plus le déplacer de sa cabane.

 Des nuits
passèrent mais aucune d’elles ne portaient conseil. Le roi, poursuivant sa
réflexion, se souvint de ce fameux homme dont son grand père ne cessait de
louer dans ses derniers jours. Alors sans attendre, tout seul, de nuit,
Gamaliel se rendit immédiatement chez le vieillard. Arrivé sans aucun
protocole, le roi prit la parole et dit l’objet de sa visite au vieillard en
ces termes : Ô sage, la mort est dans notre camp, la psychose nous menace ; la
dépression, malgré toutes nos stratégies, a envahi le peuple; les cauchemars
remplissent désormais nos sommeils. Dis-moi, grand sage, loin de m’exprimer ton
état d’âme, la solution exacte à ce présent funeste.

      Le vieillard, avec un air rafraichissant,
hilarant, tout en se redressant sur sa chaise percée répondit au roi: Sa
majesté, soyez sans crainte et décontracté. Il faut que vous sachiez qu’il y a
un temps pour toutes choses sous les cieux: un temps pour la guerre, un temps
pour la paix;  un temps pour pleurer  et un temps pour rire. L’homme se tient dans
l’intemporel car dans la nature rien n’est nouveau sous le soleil. Toutes
choses recommencent exactement à ce qu’elles ont été. La maîtrise du temps par
l’homme est un leurre. L’homme reste soumis au temps auquel nul ne saurait
s’échapper au bout duquel se trouve la mort. Sa majesté pour que d’autres
naissent, il faut que d’autres meurent. Ô roi que serait d’ailleurs le monde,
depuis sa création, personne ne mourrait. Ainsi dépouillez-vous  d’amertume, des lamentations, et de la
panique mais imaginez-vous que chaque heure peut être la dernière et il faut
l’espérer avec allégresse.Tout début a une fin.Tel avait été notre devise
durant les combats.

         Le roi comprit par ces paroles du
vieillard que l’essentiel n’est pas de vivre le plus longtemps possible mais le
mieux possible et que la solution à la crise est de laisser le temps au temps
dans l’espoir d’un meilleur avenir pour Messifa. Alors, Gamaliel hocha la tête
deux fois, se leva et disparut dans la nuit noire…

Loin
d’être une fiction restons toujours optimiste face aux horreurs de l’histoire.

Dan Adzeoda.

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