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La poétesse de Dieu, de David Kpelly : rien n’arrête les mots, ni le désert, ni la mort !

Je me suis promis de me remettre à écrire et notamment faire des notes sur mes lectures du moment, tant il est vrai qu’un livre sur lequel on ne peut rien écrire, on ne l’a pas vraiment lu. Le roman dont il est question dans les lignes à venir, par tout l’intérêt et l’enthousiasme de lecteur qu’il ma suscité, me donne la raison suffisante et le prétexte pour me remettre en selle. Présentation…

Une main tenant l'ouvrage La Poétesse de Dieu, de David Kpelly
Une main tenant l’ouvrage La poétesse de Dieu, de David Kpelly : Crédits Marek L. Abi.

Eia pour la poétesse de Dieu ! Publié aux Éditions Harmattan par le Togolais David Kpelly, le roman de 288 pages est structuré en une soixantaine de petits chapitres. Il se présente comme une longue litanie de petits billets dont l’auteur, blogueur émérite, égrène comme les billes d’un chapelet, dans une prière à Dieu, ou à l’Écriture elle-même. Ces courts chapitres pourraient du reste, très aisément, être rassemblés un grand texte à dire, une longue respiration romanesque au rythme des sables du Sahel.

La poétesse de Dieu, c’est l’histoire d’Alima Sallaye, jeune lycéenne prometteuse, passionnée de littérature, orpheline et précieux trésor de sa pauvre grand-mère, qui va soudain disparaître de la circulation, au grand désarroi de son professeur de français, Yao Aziawowovivina, notre personnage principal, pour qui elle représentait une lanterne d’espoir dans une génération qui n’a cure de la littérature ou des études en général.

Suite à cette disparition, l’ancien professeur, reconverti journaliste (les deux professions favorites des intellectuels désabusés qui n’ont pu se faire une place dans le système, faute de compétences pratiques ou d’intérêt pour les jeux de la hiérarchie) va se lancer à sa recherche.

Comme Orphée à la recherche d’Eurydice jusqu’aux enfers, le “héros” va se lancer dans cette vaste quête quasi-initiatique, qui lui fera découvrir – et le lecteur en même temps – les aspects les plus dérangeants et fascinants du Mali, des sociétés Sahéliennes, et de l’Afrique.

Mais derrière cette quête de la poétesse disparue, en filigrane de l’histoire déjà envoûtante, le lecteur, averti ou non, découvre mille autres questions. L’une d’entre elles, qui me tient particulièrement à cœur, est celle de la place et de la survie de la littérature dans une Afrique qui a faim, qui est en guerre intergénérationnelle, et qui se cherche, entre tradition et modernité, en fondamentalisme religieux et ou fièvre de modernité.

Coups de maître et coups de coude

Le roman est clairement un des meilleurs roman togolais de ce début de décennie. Je ne sais pas combien de mois ou d’années, il aura fallu à l’auteur pour travailler et ficeler son texte – affiner ses personnages et leur donner une vie propre (on y revient plus bas) – mais le travail se respecte.

Dans une écriture rapide et fluide, simple et directe, agrémentée de charmantes hyperboles dignes d’une commère togolaise du marché de Mission Tove, l’auteur nous plonge dans un univers grouillant de vie et de coups de klaxons, une terre qui a chaud aux fesses, au propre comme au figuré.
Par une série de tours de passe-passe narratifs, certains un peu plus forcés que d’autres, l’auteur, nous fait entrer dans la confidence d’une multitude de personnages, dans une polyphonie des points de vue, chacun racontant sa part d’histoire et de tragédie. C’est un millier de fragments qui vont, au final, se coller pour dévoiler le puzzle magique et tragique, la fresque murale qui se présente sous nos yeux. Pour un premier “vrai” roman, c’est est un beau. Du Kpelly.

Tacles et balles perdues

L’auteur se fait également plaisir, au passage pour tacler toutes sortes de maux qui le dérangent : les fonctionnaires aigris de nos administrations publiques, les policiers plus préoccupés par la loterie que par la justice, les contradictions d’un certain panafricanisme 2.0, certains tribalismes mal placés de nos peuples, les affres du terrorisme qui s’impose comme une réponse à des maux plus profonds. Même le Togo, pays d’origine de l’auteur, se prend moult « balles perdues ». C’est de bonne guerre, dira-t-on, qui aime bien tacle bien.

Femmes !

Trois filles en train de lire. Crédit : Foumi / Iwaria

Cette longue enquête sur les traces de la disparue et à travers son histoire, va poser notamment la question de la souffrance des femmes. Une souffrance transgénérationnelle : Alima, sa mère et sa grand-mère, sous le joug des mâles dominants – des mâles assoiffés d’héritiers, de respect et de corps de femmes nubiles. Des mâles souvent peu à la hauteur du pouvoir et de l’autorité dont ils ont hérité, par la force de la tradition.

Alima rêve d’être poétesse, dans un monde qui veut qu’elle devienne simple épouse. La jeune fille porte pourtant le rêve de deux générations de femmes.

Ce rêve pourra sembler banal – et tant mieux si vous le trouvez banal, ça veut dire que vous avez vécu dans un monde différent du leur, qu’on a fait du chemin depuis. Mais gardez à l’esprit que lire, écrire, penser, parler et s’affirmer au monde, reste la bataille de milliers d’Africains encore, en particulier nos filles et sœurs.

De ce point de vue, l’épopée du « Prof » et ses compères, un Ivoirien et un Targui, se présente donc comme un long réquisitoire sur une Afrique qui, structurellement, maintient la femme sous une chape de tradition et de soumission, un poids qui peut frapper et révolter même l’esprit le plus « anti-féministe ».
Parti-pris de l’auteur ? Sans doute. Mais on ne lui en voudra pas plus que ça, c’est si bien dit, si bien présenté et si honnête, en un sens.

Plus vrais que nature

Kpelly, est un auteur à personnages. L’œuvre, toute l’œuvre, grouille de vie et de personnages, chacun portant une histoire plus ou mois mémorable.

Avec un tempo maîtrisé du début jusqu’à la fin, l’auteur – tel quelqu’un qui a l’habitude de raconter des histoires – nous emporte sans préliminaires, sans nous laisser le temps de souffler ou de nous ennuyer. L’attention du lecteur est maintenue de bout en bout, et il y a toujours un bout d’histoire, un détail, une anecdote tout aussi intéressante, pour satisfaire les esprits distraits modernes.

Quant aux personnages, essentiellement des adolescents qui tentent de s’en sortir dans un monde qui a décidé de ne leur faire aucun cadeau – si ce n’est celui de la vigueur et de la jeunesse – ce sont des personnes, l’encre et le papier font place à la chair et au sang. Hauts en couleur, dotés souvent de surnoms rocambolesques et évocateurs (de à , en passant par ou encore ) chacun représente les aspects d’une génération désabusée, en quête de sens et de mieux être, entre religion, soif d’argent, réseaux sociaux et pauvreté, piégée dans une société patriarcale ( au sens classique du terme, pas ce que son acception est devenue de nos jours), aux prises avec un abandon des anciens, et des traditions souvent surannées, accentuées et aggravées par la misère matérielle…

Kpelly a fait des gens qu’on a plaisir à déguster, à critiquer, à houspiller. Des gens avec qui l’on boirait bien un coup un samedi soir, juste pour les écouter se plaindre du pays et de “ce gouvernement-là même”; des gens que je draguerais bien, pour la beauté du geste ou l’amour du corps.

Ils sont vivants – en surbrillance entre les pages.

Et Kpelly est drôle, furieusement drôle, tragiquement drôle. Le Togolais a l’humour de ceux qui apprennent, chaque jour, accepter la vie avec ses dés pipés et sa brutalité banale. (Alrpazolam)  Il y a, dans ses personnages, quelque chose de plus vrai que nature, plus vraie que vrais, méta-réels en un sens.

La recherchée – Alima Sallaye – n’a pas vécu en vain, elle a produit un manuscrit, qui deviendra un recueil de poèmes offert au monde entier. Voilà Alima poétesse, devant dieu et devant les hommes.

“Les manuscrits ne brûlent pas” : la littérature comme gage d’éternité

La poétesse de Dieu, c’est aussi une ode à la Vie, celle des petites gens de tous les jours, celle où on tombe enceinte d’un vieux pervers où tu accouches d’un petit monstre parce qu’on était trop jeune pour supporter une grossesse jusqu’à terme. Où on peut perdre une jambe, tragiquement, parce que son véhicule a subit une attaque djihadiste lors de son voyage de lune de miel.

Difficile de dire si, au bout du parcours, Yao Aziawowovivina – frappé en pleine face par la tragédie de ce monde – est satisfait de sa quête. En-tout-cas, le lecteur, une larme rebelle au coin de l’œil, peut se satisfaire d’un incorruptible espoir : que la mort n’arrête pas les mots.
Si écrire ne change pas le monde, la littérature rend au moins la vie plus supportable. Ceux qui ne veulent pas le présent embrassent l’éternité. La recherchée – Alima Sallaye – n’a pas vécu en vain, elle a produit un manuscrit, qui deviendra un recueil de poèmes offert au monde entier. Voilà Alima poétesse, devant Dieu et devant les hommes.

Transcender la mort et le destin par les mots, c’est cela, toute la beauté de la littérature.

Au final, l’ouvrage est un acte de foi, un gage d’espoir envers la littérature, et sa capacité à transformer la douleur humaine, à dépasser les pesanteurs du quotidien pour nous donner un tunnel d’espoir, un exutoire et une bouffé d’oxygène, dans un monde où nous sommes bien souvent impuissants face à l’injustice et la violence du monde.

Mention spéciale à Zop Zop Zop !!!

Mention Spéciale à Zopiro, le Chevalier du christ, le plus intéressant de tous les personnages du Roman. Petit, agité, aussi cynique que rusé, drôle comme si sa vie en dépendait, le fier Bété au sombre passé de meurtrier est comme un furoncle de rire et de couleur à la face d’un monde rendu gris et sec par le soleil et la poussière du Sahel. 🙂

L’ouvrage mérite d’être discuté, à plusieurs reprises…Pourquoi pas même adapté au cinéma, pour toucher une jeunesse bien trop pressée pour ouvrir un livre, aussi somptueux et grisant soit-il.

On regrettera, peut-être, que pour un tel ouvrage, que Kpelly n’ait pas choisi une maison d’édition africaine pour l’accompagner dans son projet éditorial, mais c’est encore autre chose. Harmattan probablement trop africain comme ça. 😉

En-tout-cas, chapeau l’artiste. Longue vie au Roman. Fin de note de lecture…Ou, comme le dirait notre bon vieux Zopiro, Ita Missa Est. J’ai dit !

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PS: Voici un court Extrait, le premier paragraphe du Roman

« Lors de la première rencontre entre elle et moi, deux ans plus tôt, j’étais encore enseignant. C’était à l’occasion de mon premier cours dans une classe de terminale d’un lycée privé. La classe était composée d’une cinquantaine d’élèves, plus de quarante garçons et à peine une dizaine de filles, qui ne m’accordèrent aucune importance quand j’entrai, concentrés sur leurs smartphones, certains ayant leurs perches à selfie levées, se prenant en photo pour alimenter Facebook et Instagram. Après avoir décliné, en guise de présentation, mon nom, Yao Aziawowovivina, et ma nationalité togolaise qui n’intéressèrent personne, ce qui ne m’étonna guère, ayant depuis longtemps compris que je traînais une nationalité qui ne dit grand-chose à personne, je décidai de passer aux choses sérieuses. Je demandai à mes interlocuteurs de me citer des écrivains africains qu’ils connaissaient. En guise de réponse, je reçus de gros éclats de rire montant de partout. (…) En fronçant la mine, je désignai l’un des rieurs assis au fond de la classe, un adolescent portant une boucle dans l’oreille droite et un pendentif en faux argent. Il se leva (…) et lança sans lever les yeux de son téléphone : « Le colonel Kadhafi était un écrivain africain. » La classe éclata de nouveau de rire. Dépassé, je me mis à ramasser mes affaires pour m’en aller définitivement (…).

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Ayi Renaud Dossavi


Contagion – Écrits confinés

Appel à textes – Ecrits Confinés
Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux de la Covid-19, surtout dans ce contexte de confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. (www.utahfoodbank.org) Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant.

Notre 6è texte est une nouvelle de Ayi Renaud DOSSAVI titré  » CONTAGION » .

Ayi Renaud DOSSAVI est un écrivain, journaliste et blogueur. Il écrit et blogue depuis plus de 5 ans, et s’intéresse en particulier à l’Afrique, l’Histoire et aux grandes contemporaines.

CONTAGION

Tout a commencé il y a trois semaines. J’étais à la maison, à ruminer ma galère, quand Roland me sonna.

« Djo, Ribeiro est rentré, faut sortir, y a adoufouli ce soir. Bière et bouffe à Gogo ! »

Ribeiro-le-Parisien, comme on l’appelait. Le gosse de riche du quartier, on avait grandi ensemble. Mais lui il faisait les aller-retours Lomé-Paris, et moi je sillonnais le campus. Voilà. A chaque fois qu’il était à Lomé, c’était vadrouille sur vadrouille, beuveries et soirées arrosées dans les coins branchés de la ville. Nous constituons sa suite, et on l’aidait à dépenser tous ces euros et ces dollars, que ses parents avaient si durement volés dans les caisses de l’Etat et siphonnés vers des comptes à l’étranger, échange équivalent.

Mais ce soir-là, c’était différent, il ne fallait pas sortir, à cause de « la maladie ».

« Chaley, laisse tomber, je crois que je vais rester chez moi soir », murmurai-je à contre-cœur.

« Amegan, ne me dit que t’as peur de Corona ! Oh, la Poule mouillée, la Poule mouillée de sa race », se moqua Rachid. « Laisse tomber ces trucs de blancs là, toi aussi. Maladie-là ne touche pas les africains, tu sais bien ».

Pourtant, la nouvelle courrait, « Confinement », c’était le mot à la mode. Un oncle m’avait appelé expressément d’Angleterre, ce qu’il ne faisait jamais « Les blancs tombent comme des mouches seulement », m’avait-il dit.

Mais il n’était pas à Lomé, il n’était pas dans la dèche comme moi, et il n’avait pas une furieuse envie d’aller serrer de la minette de 20 ans, facilement éblouie par l’argent de mon pote rentré de France. So fuck it !

En deux temps trois mouvement, j’étais sapé comme jamais. Prêt à croquer la nuit à pleine dents, et à prendre Lomé par derrière. Nous sortîmes ce soir-là. Nous bûmes ce soir-là. On passa toute la soirée à se trémousser, à danser et à faire la teuf. Ce fut Gé-ni-al. Comme les rues étaient à moitié désertes, parce que les gens avaient peur du virus, nous avions la rue à nous tous seuls. Faire du 150 à l’heure sur les routes, avec un océan d’alcool dans le sang, il n’y a rien de mieux. YOLO ! comme on dit.

Deux semaines exactement plus tard, très exactement, Ribeiro-le-Parisien mourrait du Covid-19. Sa mort fut très rapide, foudroyante. Cet idiot avait toujours eu des soucis de bronches. Nous avions passé toute la première semaine de son retour ensemble, à faire la bringue, à aller à la piscine, à sauter de teufs en teufs, parmi toute la haute bourgeoisie du pays. Et cet idiot avait la Covid, et cet idiot de gosse de riche était mort.

Nous avions passé toute la semaine ensemble et cet idiot était mort. Et je commençais à avoir un peu la fièvre, et la gorge irritée. En temps normal, j’aurais pris un para et puis basta. Mais cet idiot avait la Covid et cet idiot était mort.

J’étais contaminé, c’était 100% sûr. Je pensai à Maman et son diabète, au pépé Romuald, le grand père de Rachid, du haut de ses 80 ans et hyper tendu. Mais qu’avions nous fait ?

Mon téléphone sonna. C’était Rash, il toussait déjà au téléphone.

« Azéa, on dit que c’est ça qui l’a tué ? »

« Oui »

« Tu penses à ce que je pense ? »

« Djo, on est contaminés, c’est sûr. »

« Ewoué, qu’est-ce qu’on va faire ?»

Retrouve-moi à la maison, toi et toute la bande. J’ai une idée. Wallaye, on ne sera pas les seuls à attraper cette maladie.

Quitte à avoir la Covid, autant en faire quelque chose d’utile.

Assez étonnamment, il fut bien facile de les convaincre. Richard, un cinglé de vicelard, voulait contaminer tout le monde au marché avant de rentrer. Rodolphe parlait de l’église. Roméo, qui avait plus de suite dans les idées, suggéra d’aller à l’AG d’un parti politique qu’il n’aimait pas beaucoup, c’était la période des grands rassemblements, on célébrait la dernière victoire électorale.

Mais c’est moi qui eus la plus belle idée de toutes.

« Les soldats ? », fit Rashid, incrédule.

Oui, eux-mêmes. On va les contaminer tous, tous sans exception.

Nous avions une relation très compliquée avec la Police dans mon quartier. On s’est fait harceler tellement de fois, à cause des manifestations politiques et des rafles nocturnes intempestives. A force, nous en avons une haine presque atavique.

« Réfléchis, c’est à cause d’eux qu’on est dans cette situation, c’est à cause d’eux que le pays est dans cette merde. On va faire notre part, et on va se venger. »

« Il a raison, ils sont entassés les uns sur les autres dans les camps. Si ce virus entre là-bas, ça va être un festival »

« J’aime l’idée, fit Richard, mais comment on va les approcher jusqu’à les contaminer ? »

Je les regardai tous d’un regard circulaire dans la salle, ils avaient déjà l’air un peu malade. Richard ressentait déjà les douleurs musculaires, et Rashid avait un pull-over, fièvre.

« C’est simple mes amis. C’est eux qui viendront nous trouver…dehors…durant le couvre-feu »

« Merde, toi t’es un cinglé. », s’écria Rashid, avant de tousser un bon coup, l’air était surement saturé de milliards de particules virales.

« Récapitulons, fit l’un d’eux… »

« C’est le couvre-feu, à cause de Corona là »

« Oui »

« Et tu veux qu’on sorte »

« Oui »

« Et les soldats vont nous attraper »

« Oui »

« Et nous ils vont nous bastonner »

« Oui… »

« Parce qu’il est impossible de bastonner quelqu’un tout en maintenant les distances sanitaires »

« Oui c’est ça. Nous sommes 5 ici, il y a environ 8 soldats par unité de patrouille en général…  Avec de la chance, on peut facilement contaminer 40 personnes, dans trois semaines, ils seront 100 au moins puis 200, puis 400, puis 1200…en un rien de temps, les camps seront à terre. Les camps sont vastes, mais la maladie est rapide, très rapide, d’une contagiosité foudroyante. »

« Ce sera notre contribution à la lutte. », s’écria l’un deux, dont j’oubliais le nom.

« Et surtout on va se venger de ces bâtards ! Je ne vais pas attraper cette maladie seul ! Ils n’ont qu’à bien gérer Corona dans les camps. »

L’affaire fut entendue. Chacun prendrait un quartier différent, pour toucher un max d’unités différentes.

Vendredi, 19h, c’était l’heure du couvre-feu. Mais au lieu de rentrer me cacher, je sortis discrètement vers le portail. J’étais prêt : je portais une triple couche de vêtement pour absorber, et j’avais allègrement toussé sur mon pull-over ».

Je ne marchai pas plus de trente minutes avant de me faire accoster par la patrouille. Le pick-up, reconnaissable entre mille me barra rapidement la route, plein phare sur ma gueule. Je ne bougeai pas, j’étais prêt. J’étais terrifié et excité à la fois. J’allais participer à quelque chose, dans un mois, cette foutue armée gouterait à mon petit cadeau.

Cette idée m’aida à supporter la bastonnade, les déluges de coups qui s’abattirent sur moi. Et la douleur, terrible, qui me brisait le corps. Mais je me débattis, gesticulai dans tous les sens. Ces gens étaient certainement contaminés. Mission accomplie.

Je rentrai chez moi, en sang, mais content. Le lendemain, par contre, je ferais moins le fier. Pas à cause de la douleur dans tout le corps. Non, ça ne s’est rien. Mais Rashid, ce bon vieux Rashid n’a pas survécu à sa rencontre avec la Patrouille.

La Patrouille a tué Rashid, l’a battu à mort. Je ressortirai demain, pour en contaminer d’autres. Le temps fera son œuvre, et le virus fera notre vengeance.


Ils ont ramené le Corona dans notre quartier !

« Ils ont amené Corona dans notre quartier ! », a assené notre voisine, toute affolée. Elle est venue en catastrophe partager l’info chaude du moment. La dame portait un masque, c’était déjà ça.

Mais bon, on était déjà au courant. L’info est d’abord partie comme une rumeur, depuis un groupe WhatsApp de quartier, puis c’est devenu vite clameur dans tout mon voisinage.

Que disait la Rumeur? Qu’un cas du terrible Corona aurait été détecté dans le quartier…dans un grand hôtel situé dans le prolongement de ma rue. Pour preuve : tout un groupe de soldats postés devant l’imposante bâtisse, depuis le Week-end.

Peur. Incompréhension. Tension…

Le Peuple s’énerve « Mais pourquoi ils viennent les mettre ici ? » « Ces Sorciers de l’Etat veulent nous contaminer », et autres joyeusetés dans ce genre.

Ça fait drôle, tout de même, d’être subitement « tout prêt » d’un cas. Très drôle.

Bien que plutôt impassible, j’en fus passablement interpellé. Après tout, si c’est vrai, ça ferait au moins un cas décelé à même pas 600mètres de chez moi. Sans compter les éventuels cas contacts. Bonjour l’ambiance. !

La misère, tout de même. The infamous Corona in Person.

Parce que, une chose est de suivre le décompte quotidien des cas de Covid sur le site officiel du pays, ou encore de faire du monitoring continental sur Worldometer (comme je fais chaque matin) et une autre est d’être potentiellement exposé à « un vrai cas », tout près, tout tout près.

On ne peut s’empêcher de passer en revue ses mouvements, les gens qu’on aurait croisé dans la rue, ceux qui ont pénétré sa maison sans porter de masques (le Port du masque est recommandé au Togo, bien que beaucoup de citoyens, essentiellement dans les couches populaires, ne s’y soumettent guère, par manque de moyen ou d’intérêt).

Corona est là, panique à bord

Une sorte de fébrilité s’est donc emparée de tout le quartier. Entre hypothèses les plus farfelues et les pires inquiétudes… La rumeur a fait son bonhomme de chemin. Des proches nous ont même appelé de l’autre bout de la ville, pour nous « prévenir », qu’on avait un cas. Whatsapp est trop fort pour nous.

Plus de peur que de mal…c’est juste une mise en quarantaine obligatoire

En fait, l’histoire est un peu moins dramatique qu’il n’y parait. Dans le pays, l’Etat a réquisitionné un certain nombre d’hôtels pour isoler mettre en isolement obligatoire tout voyageur, après son arrivée.

Or il se fait, justement, que le week-end dernier, un vol spécial avait rapatrié des togolais en provenance de France et du Moyen-Orient. C’est une partie d’entre eux qui ont été mis en isolement dans cet hôtel.

Et vu que par le passé des certains voyageurs se sont soustraits à leur isolement obligatoire, j’imagine qu’on ne prend plus de risque. D’où des soldats qui campent nuit et jour au pied de l’immeuble ( ils dorment sous des tentes disposées autour, et font la ronde à tour de rôle).

L’un dans l’autre…

Enfin, au moins un point posisif à tout ce ramdam, c’est que le respect du port du masque s’est un peu renforcé dans le coin. La population commençait sérieusement à se relâcher sur ce point. Il faut dire que le Togolais du quotidien se demande encore «  Mais où est Corona » ? Ou pire «  Est-ce que Corona existe vraiment même? »

Il faut l’avouer, la maladie a toujours l’air lointaine, évanescente, quelque part là-bas dans la ville, mais pas proche, pas ici, pas dans notre réalité à nous. Or, le mal est là, invisible à l’œil nu mais bien présent. Pour l’instant du moins. Même si plupart des citoyens ne risquent pas grand-chose ( le jeune âge surtout, et la Chloroquine en prime), ce serait ballot de la refiler à un proche mal en point, vieux ou déjà physiquement diminué…ça pourrait être laid ( le Togo décompte 13 décès officiels…dont tout de même 3 enfants)

Enfin, je digresse...

Bref, tout ça pour dire qu’il y a des voyageurs en quarantaine dans mon quartier. Et y’a potentiellement des sujets positifs dans le lot.

D’ici là, Masques pour tous et Lavons-nous les mains. 🙂

Renaud


La fin du Monde (Urbain AMOUSSOU) – Ecrits confinés

Appel à textes – Ecrits Confinés
Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux du Covid-19, surtout dans ce contexte confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant. Rêver un futur possible ; stimuler et motiver.

Notre 5è texte est une courte nouvelle, La fin du monde , de Urbain Amoussou

Urbain Amoussou, Ecrivain, Editeur, Entrepreneur

Lecture, La fin du monde

Lorsque la situation est devenue ingérable et qu’on avait atteint près d’un demi-milliard de morts, et plus de quatre fois de contaminés, les pays étaient devenus une fois encore individualistes. Une réaction toute prévisible, car les gouvernements, où qu’ils soient sur terre, sont constitués des plus orgueilleux des humains.

Chaque pays démarra son projet de survie. Les noms allaient de semences du futur, Heaven, Tempête virale à Apocalypse…. Chaque Etat souverain avait son idée sur comment garder son humanité, en d’autres termes son peuple, pour une repopulation après que la terre soit guérie. Les programmes variaient, mais tout le monde était d’accord qu’il fallait repeupler la planète avec les meilleurs, les plus aptes, les plus intelligents, la quintessence de chaque nation. Bien entendu, il y avait ceux qui étaient convaincus que des représentants mâles étaient les plus à même de défendre leur place sur terre, d’autres lancèrent des programmes de formation de militaires de haut niveau, certains proposèrent des artistes, des écrivains, des ingénieurs, des religieux… Il y avait bien entendu des choix suivant la tête, la richesse et suivant d’autres bassesses tout à fait humaines. Même face à cette fin, presque une annihilation complète les êtres humains n’avaient pas beaucoup évolué et plus que jamais ils risquaient de repeupler la planète avec des êtres égoïstes et immatures. 
Je faisais partie du comité scientifique chargé de la question dans mon pays. Nous étions 13, afin d’avoir des avis démocratiques et statitisquement valables :

Professeure Anice 40 ans d’expérience en biologie moléculaire, Pr Djesso 30 en physique quantique, Pr Hamar virologue, enseignante depuis près de 50 ans … Les 13 personnalités étaient la crème de la crème, reconnues pour leurs recherches théoriques, pratiques et leurs capacités cognitives et intellectuelles. Toute la communauté nationale et internationale reconnaissait leur sagacité.
Nous avions tous plus de 50 ans d’âge moyen et encore plus en matière de connaissances. Le temps pressant, nous nous convînmes finalement après de mûres et profondes réflexions que les meilleurs représentants étaient là devant nous : nous-mêmes. En effet, s’il fallait rechercher d’autres personnes, les former à la survie, s’assurer qu’ils ont de bons gènes, voir leurs capacités de réactivité psychologique dans un environnement contraignant… Il nous aurait fallu des mois et des mois pour être prêts et justement le temps nous manquait. Et parlant du temps, nous nous concentrâmes d’abord sur une manière de nous en donner pour trouver une solution. De la pure logique, aussi, lorsque les autres recherchaient les meilleurs candidats à leur programme de survie et que ces derniers se faisaient terrasser les uns après les autres par un adversaire invisible, mais si dangereux, il nous parut, à nous, que la meilleure manière de sauver l’espèce humaine était de se donner le temps en nous préservant.
La décision ne fut pas facile à prendre et il fallut expliquer à des politiciens véreux et narcissiques qu’ils n’auraient pas de place au bord de l’arche. Ils voulurent bien, pour certains nous retirer le projet, mais ils l’auraient fait que les chances de survie de la planète auraient été réduites presque à néant.

Nous nous mîmes au travail et eurent tôt fait de développer une solution physiologique de maintien de la vie en stase et ainsi attendre la fin de l’épidémie et ensuite reprendre le travail et trouver une solution au virus. Ce que nous ne pouvions expliquer à tout le monde, à toutes ces personnes qui espéraient que nous saurions trouver une solution au virus ou du moins sauver l’humanité d’une manière ou d’une autre est que la seule solution était le temps. 

Virus – Source: Futura-science.com

Le virus était une vraie chimère, et même s’il venait d’un laboratoire, en bon virus, il s’était adapté à notre environnement et continuait d’évoluer. Aucune statistique, prévision, projection ou réflexion ne marchait avec ce virus-ci. Nous avions eu la peste, l’Ebola, le VIH, la rage, le H5N1, le Marburg … Mais rien de comparable à la COVID, si fantastique qu’il en devenait illusoire. Elle changeait, se déplaçait tantôt par l’air, tantôt par le sang, on le retrouva aussi bien dans la salive que dans le liquide séminal. Les vaccins, les médicaments et autres traitements développés devenaient obsolètes après quelques semaines. Et chaque jour des millions de cadavres s’entassait dans les rues et il n’y avait plus assez de places pour les enterrer et d’ailleurs, personne ne voulait plus toucher à qui ou quoi que ce soit. Respirer devenait mortel.
Nous nous mîmes donc en diapause induite et les caissons étaient couplés à un détecteur de virus. Le caisson ne s’ouvrirait que lorsqu’il n’y aurait plus de particules virales dans l’atmosphère. Il ne nous restait qu’à attendre la fin, que la planète ait éliminé de lui-même cette menace. C’était, je l’avais déjà dit, la seule solution possible. Ce que nous pouvons faire, c’est prendre des personnes capables de pouvoir renaître dans un monde qui sera différent à jamais de ce que nous connaissons, voire hostile. Et il n’y avait pas mieux que nos cerveaux pour faire cela. (www.madisonavenuemalls.com)

Quand nous nous réveillâmes je sus automatiquement que quelque chose n’allait pas. J’étais le premier à me réveiller. Les autres sortirent quelques minutes après.
Nous nous regardâmes. Un truc a dû mal fonctionner. J’eus du mal à m’extirper de ma capsule de diapause, mes muscles étant engourdis par des années d’inactivités, mais c’était plus que cela. Ma peau était ridée et dans le miroitement de la vitre de la capsule, je vis un visage émacié et des yeux vitrifiés et laiteux. Je soulevai avec mal mon bras et une chair asséchée pendouillait de mon avant-bras. Un squelette aux cheveux blancs rares me regardait.
La première qui eut l’idée de vérifier la date était la Pr Anice. Elle écarquilla ses yeux bridés par la vieillesse. 

450, dit-elle.
Quoi ? Lança quelqu’un.
« On a fait 450 ans dans le caisson » répéta-t-elle lugubre.

Nous avions pensé à quelques mois voire deux ou trois ans, mais pas 450 ans.
Bien que le caisson ait ralenti le temps, des millisecondes sur plusieurs siècles, couplées à une amyotrophie et la sénescence naturelle, la vieillesse des membres du comité – tout cela réunit, nous étions sortis comme des vieillards de plus de 100 ans.
Nous n’avions plus le temps de sauver qui que ce soit. Ni le reste de l’humanité, ni nous-mêmes.

Si au moins nous étions jeunes, on aurait pu utiliser une multiplication naturelle, biologique. Copuler pour sauver l’humanité, maintenant que le monde est propre. Mais ça aussi nous ne pouvions plus, nos horloges biologiques étaient mortes et au vu de la tête du Pr Anice, aucun de nos organes ne sauraient s’attirer.


La COVID-19 dans le couvent de Couvong – Écrits confinés

Appel à textes – Ecrits Confinés
Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux du Covid-19, surtout dans ce contexte confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant. Rêver un futur possible ; stimuler et motiver.

Notre 4è texte est une courte nouvelle, La COVID-19 dans le couvent de Couvong, de Gérard  MAHINOU

La COVID-19 dans le couvent de Couvong – Écrits confinés


La réunion de sensibilisation et d’information sur le mal de l’heure prit fin à dix-sept heures à Couvong. L’impression qu’on pouvait avoir de cette rencontre, de cette impérieuse rencontre mais surtout de cette improvisée rencontre vue l’urgence, c’est le sentiment d’angoisse, de désolation facilement remarquable sur la noria de frimousses regagnant les pénates. Les paroles du lieutenant Mbouka martelaient dans les cervelles comme le son d’un orgue : pas de sortie, pas d’entrée, pas de visage sans cache-nez, pas de salutation avec les mains, pas de regroupement, pas de marché, une litanie de  » pas  » qui se résumait à une interdiction formelle de sortir non seulement de Couvong où se trouve le couvent où couvent les germes du virus de Corona dans la région du centre, mais aussi et surtout de sortir de la maison, de 20 heures à 6 heures. 


Les habitants de Couvong étaient stupéfaits, les adultes terrifiés et les enfants médusés. La peur gagna les villages environnants. La pandémie qui fait grand bruit depuis un certains temps sur les chaînes de télévision, de radio et les réseaux sociaux était dans les murs de Couvong. À Couvong, on savait que la maladie était là, elle rodait partout à la recherche des victimes à attaquer, des victimes qui s’ajouteraient aux milliers déjà comptées ici et ailleurs, les victimes d’ici et d’ailleurs. On savait que le village était sur-le-champ bouclé par les forces de l’ordre et que ceux qui iront à l’encontre de ces mesures auraient sur un plateau d’or du thé au lait et d’un pain beurré à savourer. L’embarcation des cas détectés avait créé un climat de psychose, car on ne savait pas qui pouvait être porteur ou non de ce virus. 

La COVID-19 dans le couvent de Couvong – Écrits confinés, Source image: www.kindinbenin.com

La peur était plus grande, car nombre de personnes avaient été en contact avec les victimes décelées qui avaient quelques jours plus tôt organisé une retrouvaille festive au cours de laquelle des gens venus de près ou de loin, avaient assisté à des pratiques rituelles où danses, transes et remontrances spirituelles étaient à l’honneur. Face à cette situation, le lieutenant Mbouka avait été ferme : pas de sortie, pas d’entrée, pas de visages sans cache-nez, pas de marché, pas de…….
Comment pouvaient-ils assurer leur ration quotidienne en se privant de leur menues activités, en restant cloitrés dans leurs chambres à cause d’une certaine « peste humaine » qui se propageait à une vitesse extraordinaire et qui était parvenue dans leur localité, Couvong à travers le couvent d’un groupe d’expatriés installés il y a une dizaine d’années. Un couvent à Couvong qui avait couvé en un jour onze cas de malades infestés par le virus du Corona.
À Couvong, la plupart des habitants étaient des agriculteurs installés à la recherche des espaces, des espaces de vie, des espaces cultivables. Les femmes en saison morte ravitaillaient la ville en bois de chauffe et en charbon afin d’aider leurs maris à joindre les deux bouts. Chaque jour, on les voyait en longues files traînardes, des petits fagots de bois ou du charbon sur la tête, rallier la ville. Comment pouvaient-ils donc survivre alors même qu’ils vivaient au jour le jour des petites recettes perçues de la vente de ces marchandises. Comment pouvaient-ils rester cloîtrés dans leur maison, vivre éloignés l’un de l’autre alors même que leur survie était fondée sur la solidarité et la vie associative.

Mais la réalité était là. Le virus était à Couvong. Il rôdait partout surtout au Couvent de Couvong. Et gare à celui qui irait contre les mesures du gouvernement. Les forces de l’ordre qui ne sont pas arrivées là pour organiser le désordre lui donneraient du thé au lait et du pain bien beurré à savourer.
Le lendemain du jour où l’information a fait son atterrissage à Couvong, les forces de l’ordre rodaient partout pour empêcher les récalcitrants d’embrasser le virus qui rôdait aussi partout comme un loup affamé. Un silence implacable planait sur le village terrorisé par l’information de la présence de cet ennemi redoutable, de ce virus de Corona qui constituait l’épée de Damoclès sur chaque famille. Seuls quelques rares jeunes pavanaient dans le village, la bouche et le nez protégés par un morceau de tissu. Les vieux et vieilles étaient cloîtrés dans les chambres attendant qu’un coup de chance sonne le glas à cette pandémie. Mais à quand la fin ? Ils ne savaient pas. 

Ils n’étaient pas informés que le gouvernement avait décrété trois bonnes lunes d’état d’urgence sanitaire au cours desquels personne, même un cafard, ne devrait mettre son nez dehors entre vingt heures et six heures du matin. Pouvaient-ils faire du surplace pendant ces trois mois ? Pour les habitants de Couvent, c’était une gageure. Ce n’était pas possible. La seule journée passée entre quatre murs les avaient rendus malades. Ils passèrent la nuit à évaluer les pertes : les espaces non labourés qui attendaient, le retard dans la semence et la germination, le charbon déterré et non vendu, etc. Mais la réalité était là. Le virus est là, la mort planait et il fallait observer les mesures barrières pour se prémunir de la mort. Face à cette situation, le lieutenant Mbouka et ses agents martelaient : pas de sortie, pas de d’entrée, de visages sans cache-nez, pas de marché, pas de…….
Une semaine après, la cohorte militaire dépêchée pour assurer la sécurité était fière de la discipline qui y régnait et du respect des consignes par la population. Après leur compte-rendu à la hiérarchie, une forte délégation du ministère de la Santé arriva pour évaluer la situation. Lorsque les membres de la délégation s’introduisirent dans quelques maisons, ils se rendirent compte que seuls les vieux et les veuilles étaient accrochés à leurs taras. Une grande partie des habitants avaient vidé le village. Ils étaient tous au champ. Mais par où étaient ils passé alors ?
_ « Nous sommes nés ici et nous maîtrisons des voies pour nous rendre tranquillement dans nos champs. Qu’avez-vous apporté pour nous permettre de nous nourrir pendant tout ce temps que votre virus va séjourner chez nous. Personne ne peut nous interdire de chercher notre pain quotidien. Nous préférons mourir de ce maudit virus que de mourir de faim », déclara un brave paysan retrouvé dans son champ avec toute sa famille.
Un autre d’ajouter :
_ Nous connaissons des racines et des feuilles pour nous traiter si ce virus nous attaquait ; laissez-nous tranquille.
Désorientés et déboussolés, les membres de la délégation repartirent, conscients des difficultés de survie de certaines populations, des difficultés de mises en œuvre des mesures de lutte contre le COVID-19 et de la misère ambiante au sein de ces populations, qui, au péril de leur vie, ne sont pas prêtes à observer les mesures du gouvernement qui reconnaissent-ils sont à leur avantage.


Les humains malades de Covid-19 – Ecrits Confinés

Appel à textes – Ecrits Confinés
Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux du Covid-19, surtout dans ce contexte confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant. Rêver un futur possible ; stimuler et motiver.

Notre 3ème texte est un poème, de Mario Koffi ATTIDOKPO : Les humains malades de Covid-19

Présentation de l’auteur :

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Né à Hahotoé dans la Préfecture de Vo.
Artiste pluridisciplinaire, dramaturge, metteur en scène, maître de danse et de percussion, chorégraphe. Professeur Permanent de Didactique et d’Arts Vivants à l’INJS à l’Université de Lomé, Directeur de l’Ensemble Culturel LES GRIOTS NOIRS DU TOGO. Directeur Artistique du Festival International de Conte du Togo FESCONTE. Concepteur & Initiateurde la Journée Mondiale de la Calebasse JMCA. 1er Vice-présidente nationale de la Fédération Togolaise des Cinéastes FÉTOCI. (Clonazepam)

Texte : Les humains malades de COVID-19

Les humains malades de Covid-19
Un mal qui répand misère et galère,
Mal que le Tonnerre dans sa colère
S’invita pour sanctionner les folies de la terre.
La Covid-19 (puisqu’il s’agit véritablement d’elle)
Capable de nourrir en un jour la nuit éternelle,
Livrait à tous les humains une invisible guerre.
Ils ne trépassaient pas tous, mais tous étaient touchés :
On voyait à peine de braves et de courageux confinés
Chercher à aller secourir d’autres vies
Les repas n’aiguisait plus la folle envie
Les Chacals et Vautours se craignaient
Face aux douces et succulentes proies.
Les grands amoureux se dédaignaient :
Car, plus d’amour et donc, plus de joie.
Le Roi convoqua tous les humains et dit :
Je crois que nos faits et actes ont prédit
Ces conséquences alarmantes et très opportunes ;
C’est le plus détourneur et corrompu de nous
Qui sera sacrifié face à la colère de ce mal fou,
Sa mort sera peut-être une barrière à cette infortune.
Nos aïeux nous disaient que face au pareil néant,
La charité bien ordonnée commence par le suivant :
Arrêtons toute hypocrisie et sans complaisance
Consultons notre moi avec une bonne croyance.
Moi, chef de fil de cette minorité qui pille, qui détourne,
J’ai neutralisé tous les opposants qui me contournent.
Qu’est-ce qu’ils m’avaient fait ? Ils cherchaient l’alternance :
Il m’est arrivé souvent, très souvent de lobotomiser,
De réprimer, de gazer les professionnels de santé.
À ce rythme, notre système sanitaire sera nul, mais je pense
Qu’il est sage que chacun questionne bien sa conscience comme moi :
Et comme notre justice n’est pas du tout corrompue,
Le plus coupable d’entre nous doit mourir car il pue.
Le plus corrompus de la minorité pilleuse dit : Sa Majesté et grand Roi,
Vos tâtonnements de Messie montrent beaucoup de finesse et de bonté ;
En fait, assassiner des opposants, affamer le peuple pour mieux l’acheté,
Est-ce un vrai crime ? Pas du tout. Vous les abreuver d’honneur
En tuant les uns et achetant la conscience des autres avec rigueur.
Les professionnels de santé et leurs revendications à la con peuvent aller au diable.
Croient-ils que les hôpitaux bien équipés, les populations les mangent ?
Sauf des aveugles ne savent que grâce à vous, les choses changent
En attendant, nous devons nous contenter de nos hôpitaux médiocres et minables.
Ainsi déclara le plus corrompus de la minorité pilleuse, sur un ton hypocrite.
Personne n’osa lever son petit doigt pour remuer les archives non prescrites :
Les dossiers des sournois et de grands assassins révélés
N’ont pas été abordés car ces vautours sont très protégés.
Les plus criminels qui ont tiré à balles réelles sur le peuple sans haine,
N’ont pas été inquiétés, couverts par l’impunité du Roi et de ses Reines.
Le plus humble des humains prit la parole et dit : J’ai passé un séjour
Un court séjour dans un village chinois où j’ai goûté une soupe.
J’avoue honnêtement que j’avais très faim et j’étais à mon premier jour
Et c’était dans un marché où on vendait des pangolins en troupes.
La soupe fut bonne et pas contaminée, je vous le dis avec foi.
J’avoue avoir goûté encore et encore cette soupe de chauve-souris.
À ces mots, toute l’humanité murmura que la soupe serait pourrie.
Le plus corrompu des notables prit la parole et se mit à citer des lois.
A-t-on besoin encore d’un témoignage pour punir ce cannibale ?
Comment peut-on consommer cette soupe et éviter des balles ?
Ce péché doit être condamné car c’est un grave mignon crime pendable.
Goûter une soupe de chauve-souris en terre inconnue, c’est abominable.
La pendaison jusqu’à la mort sera appliquée de manière implacable
Afin de nous sauver de Covid-19, et cela appelle notre devoir.
Cet acte criminel posé par un misérable est en vérité incomparable.
La loi c’est la loi et la cour a le devoir de le lui faire bien savoir.

ATTIDOKPO K. M. Mario (Texte fini le 06 avril 2020 à Tsévié au Togo). Poème contextualisé avec les règles de l’absurde en référence au texte original « Les animaux malades de la peste » de Jean de LA FONTAINE.


Plus de peur que de mal – Écrits confinés

Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux du Covid-19, surtout dans ce contexte confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant. Rêver un futur possible ; stimuler et motiver.

Notre Texte du Jour est titré : Plus de peur que de mal. Une Oeuvre d’Anselme Fanou.

Le feu des cieux dictait sa loi comme il le fait chaque jour en Afrique. La chaleur était suffocante. La température qui régnait ce lundi 30 mars 2020 à Naogon était spécialement africaine. Jamais, aucun pays d’Amérique, d’Asie, d’Europe ou d’Océanie n’a connu une telle température qui asphyxiait certains microbes. Agbonnon, le vieil homme au né écrasé et au teint noir charbon avait ce jour, la tête couronnée de gola. Perle au cou, torse nu, chaîne de cauris au bras, pagne noué au rein et pieds nus, il était dans sa maison clôturée en palissade et muni d’un portail de tôle. Dans la vaste cour, à gauche, une plante de quinine côtoyait un citronnier en fruits au pied duquel se trouvaient des plants médicinaux : kinkéliba, citronnelle, bryophyllum pinnatum, ndolèvernonia… De l’autre côté, à proximité de la grande case construite en terre battue et coiffée de tôle, se trouvait une colline de fagots de bois auprès duquel il y avait un foyer de trois pierres sur lequel bouillait une marmite du haricot. À côté, trois jarres de tisane fumaient encore. Sous la véranda qui entourait la case on voyait des outils de travail tels que houes, dabas, coupe-coupe et haches. Là-bas, sur un tabouret, était posé un verre à boire et une bouteille de deux litres de capacité à l’orifice d’environ deux centimètres de diamètre, qui, au cou entouré de cauris, contenait en son sein des graines et des noix, des morceaux de tiges et des racines, une géante échelle et une grosse pierre. Assis dans un canapé, tout prêt du tabouret, Agbonnon immolait un coq à son Lègba faisant la prière que voici : « Comme c’est de notre inconduite, comme c’est nous-mêmes qui avons provoqué la colère de Dieu, nous n’avons pas le choix. Comme c’est la fin du monde, une fin méritée par les dures d’oreilles que nous sommes, nous ne pouvons que consentir. Lègba, je t’offre ce coq pour être le tout dernier à mourir. Lègba… »

Soudain, son téléphone portable sonna, il décrocha sur mains libres. « Allô! C’est mon fils Codjo! Voilà ! Tu sais que Dieu en colère a envoyé coronavirus pour mettre fin au monde. Je veux donc que tu me rejoignes pour qu’ensemble nous mourions sur la terre de nos aïeux où doivent pourrir nos dépouilles respectives. Mais, tu t’entêtes, tu t’agriffes au sol italien refusant d’obtempérer. »

– Oh non Père ! répondit Codjo, médecin membre de l’Organisation Mondiale de la Santé. Ce n’est pas un refus d’obtempérer. C’est parce qu’il n’y a plus de vol.

– Codjo, tu vois maintenant que j’ai raison à vouloir te donner ma sorcellerie qui, constructive, permet entre autre de parcourir en toute sécurité des milliers de kilomètres par seconde ? Si tu l’avais, tu ferais ce voyage d’Italie-Bénin en un clin d’œil. Voilà ce que je disais. Et ton corps pourrira loin du mien. Et…

Il fut saisi d’un vif tourment, raccrocha l’appareil qu’il jeta, alla, revint, s’arrêta un moment la main aux hanches, secoua en signe désespoir sa tête baissée. Ses yeux injctés de sang fixaient gravement le sol. Son air préoccupé et anxieux se fermait davantage s’accompagnant d’un terrible plissement du front. Il se planta là, sous la véranda, tranquille comme un tronc d’arbre. Le vent, comme pour l’accompagner dans cette anxiété cessa de souffler. Les feuilles des arbres, qui entre temps, se balançaient, se mirent aussitôt au garde-à-vous tels des soldats au salut du drapeau. Tout se calma. Aucun nuage ne passait encore dans le ciel bleu-clair. Seul le soleil y brillait juste pour aggraver cette tristesse de cimetière qui régnait dans la maison. Puis, lorsque ce profond deuil tendait vers ses dixièmes minutes, on vit Agbonnon hocher la tête, tracer au sol de son pied droit, ramasser son téléphone et émettre un appel.

«  Bokonon, dit-il, viens, viens vite avec le messager. Je veux mieux voir dans une situation. »

Par la suite, il siégea dans son canapé, plaça la main au menton et croisa les jambes qu’il agitait inlassablement. Tout à coup, Fagninou le prêtre de Fa s’annonça au portail et entra sur l’autorisation de son hôte qui l’accueillit.

« Fagninou, reprit-il, merci pour ta promptitude et pour tout ce que tu fais pour moi. Si je t‘ai dérangé c’est pour… Excuse-moi beaucoup, j’oubliais que tu dois t’installer d’abord. »

« Je vois qu’il s’agit d’un sujet préoccupant, répondit Fagninou. Mais, bientôt, le dénouement. Fa, l’infaillible guide spirituel est déjà fait là. »

« Oui ! Je le sais, je le sais, je le sais, répondit Agbonnon hochant la tête, emporté par le souci. »

En un temps record, Fagninou s’installa, lui demanda de saisir la boule végétative, le adjikouin auquel il dira ses intentions. Vite, Agbonnon exécuta et posa la noix.

Fagninou évoqua Dada Sègbo, Dieu le Tout Puissant, les fétiches, les rois et les anciens prêtres de Fa, manipula son chapelet et interpréta.

« Nous avons trouvé Yêkou Mêdji, dit-il tout souriant. Jadis à Allagba, les gens vivaient dans la quiétude totale. Mais, un jour, au cours d’une tornade qui s’abattait sur le royaume, des poissons sont tombés du ciel. Une grande panique s’emparait de tous les habitants. Ils se plaignaient comme un coq pris dans un piège, se lamentaient comme une éponge fraichement utilisée et se désolaient comme un chaton orphelin de mère. Puis, le roi sortit de son silence et leur annonça qu’aucune mort n’est dans cette affaire. Et la quiétude revint.

Kou dé démin an éé !

Houé dja yi do Allagba

Houé dja yi do Allagba

Yêkou do houé dja yi do Allagba

Allagba ! kou dé min an éé !

Houé dja yi do Allagba. »

Il jouait du gong, chantait tout souriant. Soudain, un large sourire fendit le village de Agbonnon.

« Sur un sujet, tu as peur, lui dit-il. Mais, tu n’y trouveras aucun mal. Yêkou Mêdji a-t-il dit : ‘’La nuit, le trou fait peur, mais, rien de grave ne s’y trouve.’’ Agbonnon, je ne sais sur quoi tu as consulté. Mais, Fa te le dit, aucun danger ne s’y trouve. Sois rassuré. »

Tout à coup, le portail s’ouvrit. Comlan le grand frère de Codjo arriva.

« Bokonon, j’adore le Fa, dit-il, s’inclinant avant de saluer son père et Fagninou le prêtre de Fa. Je suis pressé, père, je vous livre l’objet de ma visite pour vite continuer. Vous le savez, beaucoup de remèdes, d’efficaces remèdes sont déjà trouvés un peu partout chez nous en Afrique contre le coronavirus. J’en ai payé assez. J’en ai donné une bonne quantité à chacun de mes frères y compris Codjo. Je lui en ai-envoyé. Voici votre part. »

Aussitôt, le téléphone du vieux Agbonnon sonna. C’était Codjo.

« Père, dit-il, mon grand frère Comlan m’a envoyé des remèdes contre le COVID-19. L’équipe technique de mon service, l’une des meilleures au monde qui les testait vient de me livrer ses impressions. (https://winandoffice.com) Elles sont bonnes : les produits sont efficaces et n’auront aucun effet sur la santé humaine. Donc, plus d’inquiétude. »

Anselme FANOU (Nouvelle)


Textes Confinés : Gamaliel

Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux du Covid-19, surtout dans ce contexte confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant. Rêver un futur possible ; stimuler et motiver.

Le deuxième texte de notre série est titré: Gamaliel

L’auteur : ADZEODA Kossi Atekana Dan. 20 ans, étudiant en troisième année au département d’allemand de l’Université de Lomé. La musique et la littérature constituent sa passion.

Lecture 🙂

Dans un royaume du nom de Messifa, il existait un roi dénommé Gamaliel. Il était un jeune homme beau, élancé, avec des cheveux de soie et passait pour le plus fortuné de tous les rois de son temps. Fort et puissant dans les combats, il ne cessait d’éliminer ses ennemis. Ce qui faisait que même les embryons, aussi virtuels qu’ils aient-ils été, réclamaient ce nom depuis le sein de leurs mères. Ce qu’on enviait, au-delà de toutes ces considérations, chez lui, était son entourage. Gamaliel à qui l’éthique, la raison et la science manquaient n’hésitait pas à faire la compagnie de ceux qui en possédaient et à vivre avec les sages.

     Pourtant il y avait en ce temps une
pandémie qui ravageait amèrement le royaume Messifa. C’était une maladie qui
durait depuis quatre mois auquelle on attribuait le berceau au pays des
nombres. Lentement, irrésistiblement, avec ampleur, cette maladie poignardait les
cœurs de par ses dégâts. Gamaliel se rendit compte de la calamité qu’endurait
son royaume. Malgré les mesures barrières et sensibilisations préconisées pour
éradiquer le mal, il ne cessait d’entendre des cris de mort dans ses centres
médicaux et dans le royaume. Le roi, ne sachant à quel saint se vouer,
désespéré, soucieux de l’avenir de son peuple n’arrivait plus à dormir. Il
avait failli, d’ailleurs, étrangler un de ses enfants qui le dérangeait pour
des futilités en ce moment sombre de sa vie. Des jours passèrent mais la
situation perdurait. (https://ausoma.org/) Privé de tout bourdonnement continuel qui faisait le même
effet que les voix des onagres dont on ne dissociait les majeurs des mineurs,
le roi décida alors de faire appeler tous ses conseillers: divins, astrologues,
scientistes, pour une assise extraordinaire afin d’envisager des solutions
digne de nom à cet embrouillamini et que l’histoire poura retenir pour la
progéniture.

 Tous se
présentèrent devant le roi à l’heure prévue. Impatient, sans contours, Gamaliel
prit la parole au milieu de l’assemblée et leur parla ainsi: Nul n’ignore parmi
vous le moment alarmant, mélancolique que nous vivons à présent. Un fléau qui a
réduit à moitié  notre économie; il a
dévasté l’agriculture, l’élevage et le commerce. Des jours de ténèbres se sont
abattus sur nous; La joie a cessé dans nos cœurs. Je voudrais chers confrères,
loin des mensonges, faussetés et 
flatteries, que vous me disiez ce que la science, les astres ou les
dieux vous révèlent comme solution à ce phénomène. Dans une atmosphère
d’hypocrisie de soulagement, les conseillers répondirent au roi: Ô sa majesté,
roi de tous les rois de l’univers, toi devant qui montagnes et collines
tremblent, honneur et louange soient rendus à toi seul d’éternité en éternité.
Sa majesté, nous n’en demeurons pas en moins sur la situation du royaume. Tout
a été mis en compte  pour faire
disparaître cette contagion au milieu de ton peuple. Nous avons fermé nos
frontières et tous les lieux de rassemblement. Les habitants respectent
scrupuleusement le confinement grâce à tes mesures d’accompagnement; nous
faisons quotidiennement respecter les règles d’hygiène à la population. Tous
tes adversaires politiques, avec leurs propres biens, dépourvus des querelles
du royaume s’allient maintenant derrière toi pour sensibiliser la population
dans les coins les plus reculés. Mais ce que le roi demande est difficile; il
n’y a personne d’entre nous qui puisse donner une solution certaine au roi,
excepté les dieux dont la demeure n’est pas parmi les hommes. Étonné par ces
propos, le roi se mit en colère et ordonna qu’on emprisonne à perpétuité tous
ses conseillers en qui il avait mis toute sa confiance.

   Dès lors, il y eut dans le royaume un
vieillard, un ancien général qui avait combattu du côté du grand père de
Gamaliel. Il était doué d’une sagesse que Jupiter approuvait et savait du monde
ce qu’on en a su dans tous les âges. Pourtant on le sollicitait rarement sur
les affaires de la société car sous le coup des âges et de l’effet de la
guerre, on ne pouvait plus le déplacer de sa cabane.

 Des nuits
passèrent mais aucune d’elles ne portaient conseil. Le roi, poursuivant sa
réflexion, se souvint de ce fameux homme dont son grand père ne cessait de
louer dans ses derniers jours. Alors sans attendre, tout seul, de nuit,
Gamaliel se rendit immédiatement chez le vieillard. Arrivé sans aucun
protocole, le roi prit la parole et dit l’objet de sa visite au vieillard en
ces termes : Ô sage, la mort est dans notre camp, la psychose nous menace ; la
dépression, malgré toutes nos stratégies, a envahi le peuple; les cauchemars
remplissent désormais nos sommeils. Dis-moi, grand sage, loin de m’exprimer ton
état d’âme, la solution exacte à ce présent funeste.

      Le vieillard, avec un air rafraichissant,
hilarant, tout en se redressant sur sa chaise percée répondit au roi: Sa
majesté, soyez sans crainte et décontracté. Il faut que vous sachiez qu’il y a
un temps pour toutes choses sous les cieux: un temps pour la guerre, un temps
pour la paix;  un temps pour pleurer  et un temps pour rire. L’homme se tient dans
l’intemporel car dans la nature rien n’est nouveau sous le soleil. Toutes
choses recommencent exactement à ce qu’elles ont été. La maîtrise du temps par
l’homme est un leurre. L’homme reste soumis au temps auquel nul ne saurait
s’échapper au bout duquel se trouve la mort. Sa majesté pour que d’autres
naissent, il faut que d’autres meurent. Ô roi que serait d’ailleurs le monde,
depuis sa création, personne ne mourrait. Ainsi dépouillez-vous  d’amertume, des lamentations, et de la
panique mais imaginez-vous que chaque heure peut être la dernière et il faut
l’espérer avec allégresse.Tout début a une fin.Tel avait été notre devise
durant les combats.

         Le roi comprit par ces paroles du
vieillard que l’essentiel n’est pas de vivre le plus longtemps possible mais le
mieux possible et que la solution à la crise est de laisser le temps au temps
dans l’espoir d’un meilleur avenir pour Messifa. Alors, Gamaliel hocha la tête
deux fois, se leva et disparut dans la nuit noire…

Loin
d’être une fiction restons toujours optimiste face aux horreurs de l’histoire.

Dan Adzeoda.


Textes confinés : la mésaventure de Raoul

Il y a peu, nous avons lancé, en collaboration avec la maison d’Edition AGAU, un projet pour répondre par les mots aux maux du Covid-19, surtout dans ce contexte confinement. Il s’agissait d’ouvrir une porte à l’esprit, à un moment où nous étions physiquement contraints et limités. Des textes pour sortir de cet Ordinaire morne et stressant. Rêver un futur possible ; stimuler et motiver.

Commençons avec notre premier texte Confiné: La mésaventure de Raoul, de Gérard  MAHINOU. Lisez, appréciez, jugez. 🙂

Un lourd silence pesait sur Belleville lorsque Raoul y posa ses pieds avec son sac à guenilles. C’était sa première fois de sortir de son village, un hameau pris d’assaut, il y a une vingtaine d’années par une dizaine de paysans à la recherche des espaces cultivables. Avec le temps, ce petit nombre a augmenté considérablement, formant une grande population. Néanmoins, Ibarassou était un milieu enclavé et coupé de toutes informations liées à l’actualité. Le jeune Raoul qui y vivait depuis douze ans, avait cependant eu la chance de décrocher le Certificat d’Etude Primaire chez un de ses oncles instituteur, avant de rejoindre ses parents là. Il pensait que sa place n’était pas à Ibarassou. Il voulait quitter ce ghetto, quitter les champs, quitter la monotonie exubérante de ce coin enclavé, quitter la lassitude des travaux champêtres, quitter la paysannerie villageoise, pour se retrouver à Belleville où il se laverait de la civilisation moderne. Après un bain dans cette belle cité, il pourrait retourner, métamorphisé, pétri de bonnes mœurs et moulé dans la culture moderne. Il tenait à y aller. Et il a mis en place tous les stratagèmes pour réaliser son rêve : se rendre là où la vie est tendre.

          Effectivement, il était arrivé à Belleville par un vieux car appartenant à un de ses condisciples qui, lui, s’est limité aux cours préparatoires.

          Raoul était arrivé à dix-huit heures, une heure propice au déferlement de citadins dans les rues, certains, revenant du boulot, d’autres de leurs affaires. Mais à Belleville ce jour, silence aberrant. Un silence qui était pour lui un véritable mystère. Que se passait- il ? S’était-il trompé de ville ?  S’interrogeait le jeune dandy épuisé par le long trajet. Il avait entendu parler de cette ville balnéaire, la capitale de son pays d’ailleurs, réputée pour son animation, ses multiples activités économiques et sa belle apparence. Mais l’espace qui s’offrait à sa vue ne ressemblait en rien à l’image de cette ville qu’on lui avait fait miroiter. Aucune présence humaine ne s’offrait à sa vue. Aucune âme en mouvement dans cet espace nu. Personne ne venait à son secours. Personne ne venait pour lui dire où il était et ce qu’il pouvait faire. Personne ne venait pour le fixer sur le sort que lui réservaient les jours avenirs dans cette atmosphère qui l’étourdit et l’abrutit.  Personne ne venait pour lui indiquer la direction à suivre pour se retrouver à Belleville, la belle ville, la ville de ses rêves et de ses fantasmes.

          Raoul se lança dans une marche vers l’inconnu, avec l’espoir de rencontrer des gens, des gens qui lui indiqueraient la direction à suivre pour aller à Belleville, la ville de ses rêves et de ses fantasmes. À peine il fit quelques pas qu’il entendit :

_ Heee ! Jeune homme où vas-tu ?

L’homme qui l’interpellait était un soldat cagoulé jusqu’aux dents. De loin, il voyait une horde d’hommes habillés en treillis. Raoul pris peur. Il feignit de ne rien entendre et redoubla ses pas.

_ Idiot la ! C’est à toi je m’adresse. Tu n’es pas au courant de qui se passe ?

_ Non messier

Répondit Raoul après avoir barbouillé quelques mots, embrouillé par le ton de l’agent de sécurité.

_ D’où viens-tu ?

 _ Je viens d’Ibarassou

_ Et que cherches-tu ici ?

_ Du travail

_ Du travail ?

Il ricana pendant un laps de temps et, lui assenant un coup de fouet, lui dit :

_ Petit villageois ! Tu es mal arrivé. Regarde sur l’affiche qui est juste derrière toi.

Stressé et tremblotant de peur, il se retourna et fixa l’affiche collée à un gyrophare.

_ Lis à haute voix, imbécile et déguerpis d’ici tout suite, lui déclara l’agent, la figure boursoufflée de colère.

Raoul s’exécuta.

_ Lutte contre le COVID-19 couvre-feu de 19h à 6h du matin.

          Raoul ne comprenait rien de cette affiche. Il n’avait pas perçu le message qui était voilé dans ce jargon biscornu. Les mots de cette affiche revenaient comme le déroulement d’un film émouvant, martelaient dans sa petite cervelle fortement réchauffée par la noria d’interrogations sans réponses et la chaude interpellation de l’agent de sécurité.

          Il sonnait dix-neuf heures. Les abords des avenues se trouvaient éclairés par une architecturale juxtaposition d’ampoules dressées au bout de longs poteaux et aux frontons de gigantesques gratte-ciel surplombant la vaste plaine qui supportait Belleville. Un désir palpitant de se baigner dans cette atmosphère ouatée, mêlé d’une soif de curiosité contrariaient l’injonction de l’agent de sécurité. Il ne savait à quel saint se vouer. Retourner au village ? Ou au contraire continuer son périple à pieds ou par n’importe quel moyen pour parvenir à Belleville la belle ville, la ville de ses rêves et de ses fanatismes.

          Un sexagénaire suivait cette scène à travers la fenêtre de sa chambre qui jouxtait la rue des Lézards. Lorsque l’agent de sécurité s’écarta un peu pour s’occuper d’un autre hors-la-loi, il sortit de sa chambre, avança vers la porte et l’interpella par la main. Raoul avança à pas hésitants, le cœur battant. Il pensait à une autre scène de torture qui l’attendait.

_ D’où viens-tu ? demanda le sexagénaire Fafa au jeune homme.

_ Je…  je…  je viens d’Ibarassou, répondit-il d’une voix cassée, des sanglots accompagnant les mots entrecoupés de cette phrase.

_ Ibarassou ?

_ Oui… oui monsieur, je viens d’Ibarassou.

_ Ibarassou, c’est un petit village que je connais bien. Mon oncle qui fut encadreur y a séjourné quelques années. Moi-même j’y suis allé une fois pour une enquête lorsque j’étais en fonction à la Direction des Statistiques. C’est là d’ailleurs que j’ai rencontré et épousé ma femme. Maintenant je suis à la retraite et je me repose dans cette concession érigée il ya dix ans plus tôt.  Ibarassou, c’est un village qui me plaît par la sympathie et la solidarité largement partagées par les habitants.

Ayant repris confiance en écoutant religieusement les propos du vieil homme, Raoul demanda au sexagénaire :

_ Dans quel village sommes-nous ici ?

_Jeune homme, ici, ce n’est pas un village. C’est la capitale du pays, de notre pays. C’est Belleville.

_ Belleville ? Et les gens dorment déjà à 20h ?

           Fafa sourit et jeta un regard furtif à sa femme qui les écoutait depuis sa cuisine et qui essayait d’étouffer son rire par sa main, face à la naïveté de ce jeune.

_ Je sais que tu n’es pas informé de ce qui se passe. Mais je vais tout t’expliquer.

          Fafa vivait dans sa petite maison constituée d’une mini villa et d’un bâtiment de deux pièces avec sa petite famille sans locataire. Mais ce qui offusqua le jeune campagnard, c’est l’attitude et l’accoutrement de tous les occupants de la maison. Un bout de tissu solidement attaché au cou, couvrait une bonne partie de chaque frimousse. Les salutations se faisaient à distance et avec méfiance.

          Assis, l’un en face de l’autre, séparés par une distance d’au moins un mètre, Fafa prit du temps pour aider le jeune à décrypter le mystère, la symbolique qui se dégageait du message qu’on lui avait fait lire sur la rue des Lézards. Malgré ce long discours, il ne put retenir les termes COVID-19, état d’urgence sanitaire, mise en quarantaine, isolement, confinement. Mais il retint quand même qu’il y avait une peste mondiale très contagieuse au contact et que le gouvernement avait décidé, pour éviter la propagation de cette peste dans le pays, que personne ne soit en dehors de sa maison entre 19 h à 6 h.

          Le lendemain matin, il avait fait un tour en ville en compagnie de Fafa. Belleville avait renoué avec l’ambiance habituelle. Mais il avait lu sur les frimousses, la peur ; la peur des gens certainement d’être une victime de plus ; la crainte aussi, la crainte de cette pandémie qui augmentait chaque seconde sa zone d’intervention ; la terreur, la terreur que suscitait ce virus invisible à l’œil nu mais qui abattait tout sur son passage avec une rage imprévisible et une vitesse de croisière. Il avait vu des hommes apparemment bien portant tomber comme des mouches sur un morceau de veau en putréfaction. Il avait vu dans des hôpitaux, des hôpitaux exclusivement dédiés à ce genre de malades, des malades entassés les uns sur les autres comme des cadavres, à défaut de place ; il avait vu des morts, encombrants les rues de Belleville et jonchant les entrées des hôtels ; on lui avait dit ce jour que cette « peste » était une véritable catastrophe et qu’elle risquait de décimer toute la population mondiale. Il avait compris la gravité de la situation mais aussi la vanité de la vie. Comment autant de personnes pouvaient tomber – des centaines en un laps de temps- polluant l’air d’insanité et la terre, des amas de corps sans vie ? Quel cataclysme de voir des célébrités, des personnalités importantes, se morfondre, regarder leur corps se fondre, sans même avoir le temps de balancer « un au revoir » à leur proche ?

          Il avait finalement compris qu’il ne pouvait plus vivre à Belleville car, vu la méfiance que chacun manifestait à son égard, il était plus dangereux que le virus que les gens fuyaient. Il préférait retourner au village, vivre sa vie en dehors des contraintes qui soumettent des vies à une forme d’esclavage. Il n’avait pas de choix, il ne pouvait que reprendre la voie du village où il renouerait avec la monotonie exubérante que rompaient la partie de chasse au sanglier,  les soirées récréatives aux sons des balafons et du tam-tam, les danses rituelles et frénétiques. Il retrouverait ses amis avec qui il prenait du dolo du retour des champs. Il rentrait avec l’assurance de ne pouvoir vivre en ville non seulement à cause de la maladie mais aussi de l’inadéquation de sa culture au mode de vie de la ville qui le rendait ridicule. Mais il était anxieux, une anxiété suscitée par la hantise de la mort et le sort que leur réservait ce virus qui certainement les atteindrait.  Il se demandait ce que les habitants d’Ibarassou pouvait faire si cette « peste » féroce arrivait dans leur village où il n’y a ni dispensaire ni agent de santé, ce village où l’antidote des maladies se résumait aux décoctions faites de feuilles et de racines. Que pouvaient-ils faire alors même que les prestigieux hôpitaux de la ville qui regorgent de grands médecins n’arrivent même pas à maîtriser la situation ? Comment pouvait-il expliquer à ses confrères du village la présence d’un mal qui certainement les atteindrait, alors qu’il n’avait pas compris grand-chose de ce discours de Fafa ? N’aurait d’ailleurs-t-il pas été contaminé déjà par ce virus virulent ? Quel serait le regard que porteraient les habitants d’Ibarassou lorsqu’on le verra arriver de la ville avec un cache-nez voilant une partie de sa figure, se laver les mains à tout bout de champ avec du gel hydro alcoolique que lui avait donné Fafa et saluer ses frères à distance sans les approcher ?

          Lorsqu’il reprit le chemin du village, de son village, il jeta le cache-nez et se confia à la providence divine. Il prit la résolution de tenir informés à son arrivée les sages du village afin qu’ils alertent, tous les sorciers et les invocateurs d’esprit pour qu’ils se préparent à conjurer le mal et surtout qu’ils arrivent à le bloquer avant son entrée dans cette contrée.


Il y a trente ans, nous irriguions le Sahara

L’An de grâce 2058

 

 « (…) Peuples et Nations de la grande famille africaine mondiale, chers Gouverneurs et Représentants de gouverneurs des cinquante-sept États de notre Fédération des États-Unis d’Afrique, chers homologues, Présidents de la république de Haïti, des États-Unis d’Amérique, de la république de Chine, d’Allemagne, de Russie, Représentants des diverses nations venues du monde entier (…), honorables invités, illustres amis, chers compatriotes, chers fils et filles de notre nation africaine bien-aimée, je vous salue chaleureusement (…)

Ce jour fera date dans nos annales. En effet, il y a trente ans, jour pour jour, nous irriguions pour la première fois le Sahara [Tonnerre d’applaudissements]. C’est ainsi. En 2028, l’Afrique aura ainsi inauguré l’âge vert de l’humanité.

Comme l’homme posant pour la première fois le pied sur le sol lunaire, le projet Oasiris nous permit de poser un pas nouveau sur l’immense désert, qui sera demeuré longtemps un des plus redoutables défis que la nature nous ait posé.

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Sahara-Vert – Source: reseauinternational.net/

(…) Apprécions donc les pas de géants que nous avons réalisés depuis, en moins d’un demi-siècle ! Souvenons-nous de ceux d’avant les deux Transafricaines, nos voies ferrées reliant Dakar à Djibouti et Le Caire au Cap?; d’avant le Bassin industriel du Congo, aujourd’hui deuxième cœur de l’industrie mondiale, alimenté par une énergie propre et abondante. (…)

Les immenses champs d’Afrique de l’Ouest étaient encore en friche, notre agriculture, aujourd’hui la plus dynamique au monde, était encore balbutiante. Souvenez-vous du temps où nous étions encore divisés, émiettés en petits territoires, sans politique commune. Souvenez-vous des guerres fratricides, du sang versé à profusion, de la jeunesse sacrifiée, de tout ce désespoir (…), mais nous avons survécu? (Ultram) ! Par l’audace et la persévérance, nous avons surmonté l’obstacle et marché droit vers notre destin?!

(…) Aujourd’hui, où nous célébrons ce projet merveilleux, notre mère l’Afrique est au centre du monde, au cœur de toutes les attentions. Saluons les quelque trois milliards de spectateurs qui nous suivent en direct partout sur la planète, que ce soit sur leurs projecteurs holographiques, leurs capsules à transmission rétinienne, leur téléphone mobile (pour les plus vieux) [Rires] et autres canaux de l’Internet… et même depuis Olorun, la Station spatiale panafricaine, qui passe en orbite au-dessus de nos têtes à l’instant même où je parle?!

Gloire à nos chers astronautes, ils font notre fierté! (…) Ils seront donc très nombreux, c’est le cas de le dire, à suivre bientôt la majestueuse flamme de la renaissance, rouge, vert et noir, s’élever encore et illuminer le ciel africain.

Il_y_trente_ans_nous_irriguions_le_sahara (2) - "Afrofuturisme de Ishango sound" - Source: ww.90bpm.com
« Afrofuturisme de Ishango sound » – Source: ww.90bpm.com

(…) En plus d’apporter encore plus de sécurité et d’abondance alimentaire, ce projet a montré que nous pouvions œuvrer à la régénération du monde, et pas seulement à sa dégradation

[La foule se lève. Tonnerre d’applaudissements]

Nous célébrons cette collaboration panafricaine et mondiale qui nous a permis de réaliser ce rêve. Guidés par nos valeurs ancestrales et aidés par la science, nous générons vie et énergie là où il n’y avait plus que mort et famine. Notre terre respire comme jamais auparavant : un air pur et libéré de toute pollution. Nous avons non seulement pu lutter contre l’avancée du désert, mais transformé ce vaste champ de sécheresse en corne d’abondance, de sécurité et de vie.

Source:: www.lesinrocks.com

(…) Que dire, si ce n’est rendre un hommage vibrant aux artisans de notre renaissance ?? Tels ces deux géants que j’ai l’honneur de compter parmi mes amis. Premièrement, le professeur et double prix Nobel de chimie et médecine, Kenneth Mia.

[Applaudissements]

Comme vous le savez, il inventa, il y a presque trente ans les NPK de quatrième génération, ces engrais entièrement bio, les plus puissants fertilisants au monde [Applaudissements]. (…) Deuxièmement, l’un des esprits les plus innovants de notre siècle, celui à qui nous devons l’enclenchement de la quatrième révolution industrielle, l’ingénieur mondialement connu, Moezi Osole [Applaudissements], concepteur de la technologie Ogotemeli, qui permit non seulement de dessaler efficacement l’eau de mer, mais aussi d’en extraire de l’hydrogène par sa fameuse « scission moléculaire à base énergie ».

Cet hydrogène alimente aujourd’hui la quasi-totalité des moteurs de la planète. Grâce à lui, nous avons pu enfin délaisser les énergies fossiles polluantes et arrêter les dégâts monstrueux causés à nos écosystèmes, pour nous tourner vers une énergie propre et abondante qui nous permit de sortir des crises énergétiques des années 2020.

[Tonnerre d’applaudissements]

(…) Ces deux esprits, ainsi qu’une armée d’audacieux entrepreneurs, investisseurs, innovateurs venus des quatre coins du continent ont rendu possible ceci : Je tiens en mains ce sachet de riz, il provient de la toute première récolte du Sahara, aujourd’hui Zone agricole panafricaine.

[Tonnerre d’applaudissements]

Et ces prouesses techniques et humaines ont ouvert la voie à bien d’autres encore, plus discrètes, mais tout aussi déterminantes pour notre continent. Aujourd’hui que la famine a totalement disparu, notre peuple va librement partout sur sa terre, par train ou par aéronef. (…) L’eau, la nourriture et l’énergie en abondance ont été les rêves de nos pères et de nos mères, pionniers de l’Afrique renaissante qui, depuis la décennie 2010, ont forgé un avenir radieux pour leurs enfants et leur continent, par leur audace, leur imagination et leur ténacité. Aujourd’hui, nous disons avec fierté que nous sommes les descendants de ces grands bâtisseurs, et nous en ferons de même pour nos enfants et les enfants de nos enfants.

Illustration de la marche vers une grande union panafricaine
Panafricanisme
Crédit: panafricain.tv

Que ce jour solennel soit à jamais marqué du sceau de la prospérité, de l’abondance, de la Paix et de l’harmonie avec notre mère la Nature. Pour les siècles à venir (…)

Vive l’Afrique! Je vous remercie! »

Extraits du discours commémoratif du trentième anniversaire du projet Oasiris, de Son Excellence Mme Assa Njima, Haute-Chancelière des États-Unis d’Afrique (ex-Fédération des États africains, ex-Union des fédérations régionales africaines, ex-Union africaine)

L’An de grâce 2058, Ile de Gorée, Sénégal (États-Unis d’Afrique)



Texte soumis dans le cadre du concours d’écriture « Afrique de mes rêves », organisation la Banque africaine de développement en 2018, dans le cadre de ses Assemblées générales.

Ayi Renaud Dossavi

Ayi Renaud Dossavi-Alipoeh, recevant son prix des mains du président de la BAD.
Ayi Renaud Dossavi-Alipoeh, recevant son prix des mains du président de la BAD.