Panafricanisme partie 2 : Leçons de l’Histoire et exemples qui marchent

Article : Panafricanisme partie 2 : Leçons de l’Histoire et exemples qui marchent
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Panafricanisme partie 2 : Leçons de l’Histoire et exemples qui marchent

Salutations chères toutes et chers tous,

Poursuivons donc notre causerie sur la question du panafricanisme. (pour les fondamentaux, voir partie 1)

 

Taille réelle de l'Afrique Crédit: https://static.hitek.fr
Taille réelle de l’Afrique
Crédit: https://static.hitek.fr

 

La géographie comme clé de la puissance.

Qu’est ce qui a fait la puissance des États-Unis, de la Chine ou de la Russie ? Que pèse un pays comme le Cameroun ou le Gabon ou le Lesotho face à ces trois géants ? Que serait-il advenu si les États-Unis ne s’étaient jamais « unis » ? Pensez-vous que treize ou trente Etats « indépendants » auraient le même poids géopolitique que cet immense ensemble, grand comme la CEDEAO, que sont les USA ? Toutes ces questions entendent introduire le sujet de l’espace géographique comme critère de puissance.

 

La géographie comme source idéologique.

L’Histoire est catégorique : l’idéologie (géopolitique) est très intimement liée à la géographie. Les peuples, tout comme leur vision du monde, sont les enfants de leur milieu. Le troisième Reich, par exemple, n’a pas inventé le concept de lebensraum (espace vital) juste « comme ça » : c’est lié à la position centrale de l’Allemagne, « coincée » entre l’Europe de l’Ouest et les immenses ressources naturelles du territoire soviétique. La Russie s’est elle-même constituée comme puissance continentale au centre de l’Eurasie. De même, le mode d’expansion de l’empire anglais n’est pas anodin et s’explique par le fait que l’Angleterre est une île (ou plutôt un archipel) et ne pouvait étendre sa domination que par la voie maritime. L’Angleterre est donc devenue une très puissante thalassocratie (puissance maritime)*. Ceci explique toujours cela.

 

Alors, quelle idéologie pour l’Afrique ?

A présent, jetons un regard dépassionné sur une mappemonde, puis sur une carte de l’Afrique. Ignorons les frontières coloniales qui la segmentent comme des coups de machette sur une tranche de steak… Il faudra bien se rendre compte à un moment donné que l’Afrique est tout bonnement une gigantesque île de 30 millions de kilomètres carrés littéralement au centre du monde! (ça aussi, nous y reviendrons)

Carte du monde, projection de Peters - Centralité de l'Afrique
Carte du monde, projection de Peters
Crédit: idata.over-blog.com

Le Panafricanisme comme un impératif de l’histoire

Ces sentiers ainsi ébauchés, soutenons que le panafricanisme reste un impératif historique pour l’Afrique. De toutes les alternatives, c’est de loin la meilleure, tant pour notre renaissance en tant que grande puissance et grande civilisation, que pour notre survie pure et simple. Les exemples sont légions, il suffit de savoir regarder plus loin que le bout de son nez.

C’est ici que je laisse la parole à qui de droit :

 

Edem Kodjo-Festival international de géographie 2011
Edem Kodjo, Ancien Secrétaire Général de l’O.U.A. Homme Politique Togolais. Théoricien du Panafricanisme

L’idéologie de la puissance africaine existe : c’est le panafricanisme, qui prend le continent dans sa totalité comme espace géopolitique unique. Ce panafricanisme n’est pas une utopie. Il s’inspire des expériences historiques des autres peuples situés sur d’autres continents. Ce panafricanisme est la seule voie du salut.

Le panaméricanisme n’a-t-il pas servi de base idéologique à la création même, puis à la puissance, des États-Unis ? La France napoléonienne ne fut-elle pas contrainte de se défaire de la Louisiane, au nom du panaméricanisme ? L’Espagne ne dut-elle pas ensuite céder la Floride, la Grande-Bretagne évacuer le Sud-Ouest de sa colonie canadienne, et la Russie vendre l’Alaska ? Enfin, le Mexique, à l’issue d’une guerre impitoyable, ne perdit-elle pas presque la moitié de son territoire, qui revint aux États-Unis ? Il serait illusoire de ne pas reconnaître que la puissance actuelle des États-Unis d’Amérique trouve son origine dans ce concept de panaméricanisme qui, à Washington, voit dans l’ensemble du continent américain la sphère de prééminence de l’Amérique anglo-saxonne. Simon Bolivar, pour avoir voulu bâtir une fédération latino-américaine sur l’exemple de celle des États-Unis, fut énergiquement combattu par ces derniers, soucieux d’avoir à leur porte une zone d’influence et non une puissance rivale.

N’est ce pas le panslavisme qui, comme idéologie, a sous-tendu le développement de la puissance russe ? […] Les souverains de la Russie tsariste voyaient dans le panslavisme la doctrine de la renaissance soviétique. Même ceux qui n’étaient pas Russes, tels Joseph Staline, n’ont pas renié ce concept de panslavisme, puisqu’en 1943 se tenait encore à Moscou un Congrès des peuples slaves.

Et le concept de l’unité européenne ? N’est-il pas, lui aussi, un instrument de renaissance de la puissance de l’Europe face à l’univers panaméricain et au monde slave, dont la force est le résultat des rivalités entre nations du « vieux continent » ? Les dirigeants européens ont compris la nécessité de réaliser l’unité de l’Europe, pour qu’elle puisse retrouver sa splendeur passée par une mise en commun des ressources et énergies.

Et le concept de Pan-Asie ? Les Japonais ne l’ont-ils pas inventé comme base de leur puissance ? Recouvrant l’Asie orientale, l’Asie du Sud-Est, l’Australie, soit tous les territoires baignés par le Pacifique du Nord-Ouest, cette zone est appelée par les géopoliticiens et militaires japonais la « sphère de coprospérité de la grande Asie orientale ». […] Imagine-t-on la formidable puissance que représenterait l’Asie si le slogan  « l’Asie aux asiatiques » venait à triompher ? La puissante technologique japonaise alliée à la masse chinoise ferait glisser le centre de gravité de la politique mondiale vers le Pacifique. […]

Et le panarabisme ? N’est-il pas, associé à l’islam, l’idéologie de la renaissance du monde arabe ? Se représente-t-on ce que pourrait être le monde arabe comme puissance si le panarabisme arrivait à rassembler tous les peuples de cette partie du monde dans une seule communauté d’intérêts, utilisant au mieux les ressources financières provenant du commerce du pétrole ?

 

Il en va de même pour l’Afrique, dont l’importance géopolitique serait mieux exploitée par la mise en œuvre d’un panafricanisme intelligent, rationalisé. Considéré non comme une idéologie de domination des autres peuples, mais comme une philosophie politique tenant à réunir tous les peuples du continent en une grande communauté d’intérêts, le panafricanisme parait l’unique moyen pour les Africains d’exploiter dans le sens de leurs intérêts propres les avantages que leur offre l’importance géopolitique de leur continent.

Les Africains doivent savoir que le panafricanisme est la seule voie qui, tenant compte des particularismes sous-régionaux et des traditions propres aux peuples africains, peut édifier, sur les données géopolitiques fondamentales que nous avons dégagées, la puissance africaine de demain. Il n’y a pas d’autre voie. L’horizon de la puissance est à ce prix. Edem Kodjo in Et demain l’Afrique, pp. 241-242.

 

Concluons ainsi ce survol de la genèse des grands blocs mondiaux. Dans le prochain volet, intéressons-nous aux configurations mondiales actuelles, à leurs mutations, et à la place de l’Afrique (et du panafricanisme) dans cette recomposition des équilibres.

Le but sacré de tout peuple sain d’esprit et en possession des ressources nécessaires n’est pas d’être un vulgaire pion sur l’échiquier d’autrui, mais d’illuminer le monde – Par la force de la lutte, par le travail et la souffrance, par l’abnégation et la vigilance permanentes, par la sueur, le sang et les larmes, au prix de tous les sacrifices nécessaires, de s’élever vers les plus hauts sommets et de se bâtir une grande civilisation. Toute autre ambition mérite à peine d’être évoquée. A.R.D-A.

 

Bien à vous.

 


 

* Nous reviendrons plus loin sur la dialectique thalassocratie/téllurocratie (puissance navale/puissance terrestre) ; un sujet qui ne manque pas d’intérêt, c’est le cas de le dire.

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Commentaires

franck
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Moi, je suis pour le panafricanisme intelligent, si les dieux pouvaient l'entendre !

renaudoss
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Tout à fait, très cher, tout à fait!

gerard dorel
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Mr.renaudoss BJR et merci, très bonne "leçon"moi qui cherchais des REF sur ce sujet,merci.
Dans les années soixante (j'ai 70 ans!) j'avais lu un livre: l'Afrique se développe-t-elle? et ce titre de chapitre:
"l'Afrique est riche au point que c'en est une insulte pour l'occident" sic...Mentionnant aussi que pas moins de trois cent matières premières venaient de ce continent.J'ai réalisé plus tard(je n'avais que 22 ans et pas de WEB...) quel'insulte était à l'Afrique et non pas à l'occident!!! je recherche le nom de l'auteur, sans doute un nostalgique de l'époque coloniale, un réac!!!!
Pour ce qui est de l'EU d'accord mais en commençant par une EU sociale, avant une EU monétaire,je suis ...de gauche! tous mes voeux pour l'Afrique et tous les africains; oui aux états unis d'AFRIQUE !

gerard dorel
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essaltania 03081 BP52 SFAX TUNISIE

Guy Muyembe
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Mais le panafricanisme ne doit jamais être le cheval de troie de tous ces leaders fantoches qui crieraient au complot contre l'Afrique dès lors que leurs intérêts égoïstes sont menacés.