Exibit B ou un «Zoo humain» pour dénoncer le «Racisme»

Article : Exibit B ou un «Zoo humain» pour dénoncer le «Racisme»
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Exibit B ou un «Zoo humain» pour dénoncer le «Racisme»

Salutations à toutes, à tous et à chacun…

Bon les gars, pour dénoncer le  « racisme », on va exposer des Africains enchaînés comme à l’époque de l’esclavage, et on va appeler l’expo « Exibit B » (Exibit « What the Fuck » B)»… Un « zoo humain, oui oui tout à fait, ça s’appelle un « Zoo humain! »

Zoos - humains. Montage photo
Zoos – humains. Montage photo

Et ça, c’est l’idée, sinon étrange, à tout le moins intéressante et discutable, qu’a eu un artiste blanc sud-africain, Herr Brett Bailey.

Brett Bailey - Crédit www.altermondes.org
Brett Bailey – Crédit www.altermondes.org

La chose a provoqué un véritable tollé dans les communautés africaines et afro-descendantes d’Europe, et pas seulement ! A Londres il a fait scandale,  et de nombreuses manifestations ont été organisées dans la foulée pour empêcher ces expositions dans différentes villes, ce que je trouve normal.

Brett Bailey et une performeuse
Brett Bailey et une performeuse
Une figurante de Exibit B -  Crédit www.dailymail.co.uk
Une figurante de Exibit B – Crédit www.dailymail.co.uk

Exibit B : « Anti » racisme incompris ou « Racisme » tout court ?

A-t-on mal compris le message, ou au contraire, ne l’a-t-on que trop bien compris ? Bon, on va dire que ça partait d’une bonne intention. Vous savez ce qu’on de l’Enfer et des bonnes intentions. Mais Oh, je ne sais pas comment les choses se passent dans l’esprit d’un petit blanc qui plus est, né dans le pays de l’apartheid, ou comment exactement il voit les choses, mais ce n’est pas du tout la meilleure façon de combattre le « racisme », et c’est un euphémisme. Montrer des « négros » enchaînés et suppliciés comme à l’ancienne, et silencieux qui plus est, c’est un peu limite pour dénoncer le racisme, les gars-là.
Comme le font remarquer certains, il aurait été plus intéressant de montrer des « Blancs » enchaînés, cela aurait sans fait bouger un peu plus les catégories. Ceci est la preuve que même en voulant bien faire (s’il voulait bien faire) on peut faire un bide dans la mesure où le terrain n’est pas bien étudié. Au contraire, c’est, au mieux, une façon très insidieuse de remettre de l’huile sur le feu, en rappelant aux uns le calvaire qu’ils ont subi (bien que ce dernier soit pour ainsi dire gravé dans leur chair et leur peau ), alors qu’il n’y pas eu de préparation et d’éducation sur la question; et réveillant les velléités racialistes et suprématistes des autres. Pire, il s’agirait peut-être même de caresser le petit bourgeois blanc dans le sens du poil en lui montrant quelle est « la vraie place » des « nègres ». Déjà que la plupart des « Blancs » considèrent, à différents degrés, inconsciemment ou non, les Africains comme une sorte de sous humanité (Je ne juge pas, ceci est le fruit d’un long matraquage idéologique et médiatique… Pour ainsi dire, l’Afrique n’a pas été suffisamment débamboulisée dans leur esprit pour que le message antiraciste de M. Bailey passe).

L'affligeante photographie de l'enfant recevant une banane
L’affligeante photographie de l’enfant recevant une banane

L’antiracisme : un parfait prétexte ?
Est-ce qu’on peut tout se permettre sous prétexte de combattre le racisme ? Maybe yes, Maybe no
Et puis, « Le Racisme » : un concept extrêmement vaste et complexe qu’on ne devrait pas se permettre de galvauder à longueur de journée. Il faudrait des thèses entières et plus qu’un billet écrit en ligne pour traiter sérieusement de la question. Chose que je ne saurais faire dans les limites de cette esquisse

Quelques Digressions
D’Exibit B à Fergusson : Un vent de négro-phobie ? Ou Rien de nouveau sous le soleil ?
Franchement, entre les chasses au nègre du Maghreb, les Afro-Américains assassinés par le Klu Klux Klan la police un peu partout aux Etats-Unis (sans parler de la très longue tradition de lynchage et autres), et toute la flopée d’exactions subies par les peuples afro-descendants un peu partout dans le monde, c’est à se demander s’il ne souffle pas un vent de négro-phobie sur le monde… ou s’il n’a pas toujours soufflé depuis les six cents dernières années – Les récents événements n’étant que le sommet de l’iceberg.

Alors quoi ?
Peut-être, qu’il est temps que les Africains et afro-descendants (d’un point de vue historique tout du moins) arrivent à la conclusion qu’on ne les aime pas vraiment, et que ça ne risque pas de changer, et qu’il serait grand temps qu’il ne cherchent l’amour de personne, sinon d’eux-mêmes. C’est regrettable, mais il serait peut-être temps de songer à sa propre survie, en tant que communauté, face aux déferlantes terribles en face, l’individu, le « black » semble bien petit. Pour des raisons dialectiques, liées entre autres à l’immigration de masse organisée par le grand capital, ces tensions ethniques ou raciales sont appelées à s’aggraver dans un avenir plus ou moins proche. (Felbatol) Bien sûr, se préférer soi-même ne veut en aucune façon dire se couper de l’humanité, de la grande famille humaine, ce qui serait une tragédie encore plus atroce.
Peut-être qu’on devrait on partir du principe que tout le monde est « raciste » (ce qui est vrai et universel, au fond, et beaucoup moins grave qu’on ne le pense) et plus ou moins négrophobe (ce qui est plutôt moche, mais lié à un certain nombre de facteurs d’ordre historique et épistémologique), peut-être qu’on ne s’en portera que mieux.
Peut-être qu’on devrait, du moins pour quelques décennies ou quelques siècles, être centrés sur nous et s’organiser un peu partout sur la planète, le temps de se refaire … Est-ce que c’est un peu trop, en partant d’une simple expo un peu raciste ou antiraciste? Peut-être que oui… Peut-être que non.

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De lutte pour l’image à la lutte tout court
Tant que l’Afrique apparaîtra dans les médias, suppliciée, terre de misère, de famines, de guerres civiles, de génocides, et d’épidémies, j’en passe et des meilleurs (tous des sujets dont il y aurait beaucoup, énormément à redire !), l’image de l’Africain dans le subconscient des « autres » sera toujours celle de la misère et de la sous-humanité, alors des expos antiracistes comme « Exibit B » resteront des armes à double tranchant, confirmant de manière implicite la description mentale que les autres se font de l’Afrique et de l’Africain, ainsi que leur ton paternaliste et condescendant. Et il n’y a qu’à entendre certains dire : « Mais, les Noirs sont AUSSI des êtres humains » pour comprendre qu’on n’est pas sortis de l’auberge ». (Comme ça AUSSI? A qui tu veux expliquer ou prouver que tu es AUSSI un être humain, pourquoi te poses tu même la question!?).

A tous, « Noirs » ou pas, vous voulez combattre le racisme? Ben rendez l’Afrique forte, libre et prospère, d’une part, et soyez vous-mêmes forts, libres et prospères où que vous vous trouviez, c’est infiniment plus pertinent que de se plaindre et réclamer plus de droits à chaque fois.

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Je finirai en citant Bertolt Brecht :

« Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde »

et en paraphrasant un grand auteur que j’ai oublié:

« L’homme noir doit sans cesse avancer, sinon on reviendra lui mettre des chaînes aux pieds »

A. R. D-A.

Lilium Inter Spinas

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Commentaires

Marthe
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Je suis partagée entre la liberté d'expression et de création et le racisme. En tant que créateur et journaliste, je dis qu'aucun sujet n'est tabou. Même en tant que Noire, j'interroge le racisme de ce spectacle qui s'inpire quand même une verité historique. Donc je reste partagée Renaud

renaudoss
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La sacro-sainte liberté d'expression, qu'est ce qu'elle nous casse les pieds des fois! MDR
Mais tu as raison quand mêem, "Yakoo" pour ton dilemme!

larissa kouassi
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Excellent papier Renaudoss! c'est à force de lutte que l'esclave devient maître de lui, et c'est à force de travail que le mal vu est respecté. Comme tu l'as dit on devrait peut-être en spéculant (si on ne peut pas s'en passer) se mettre véritablement au boulot c'est encore plus parlant.

renaudoss
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Tu as tout très chère! Comme disait l'autre "Le travail, et après l'indépendance"!

Serge
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Excellent billet.. Sur ce sujet, je ne n'arrive pas À trancher depuis que j'ai vu l'info. Au Brésil, c'est passé inaperçu, peut-être un signe aussi, non?
Mais, j'ai toujours du mal à encadrer l'art, un domaine que l'on ne maitrise pas, et donc laissons-le aux artistes ...
Qualifier ce projet de raciste nous emenerait à dire la même chose du film de Kéchiche, "Venus noire" que tous ont acclamé... Et que dire de "Twelve Years a Slave", oscarisé?
Enfin, si le droit se fondait sur le jugement des intentions, où irions-nous?
;)

renaudoss
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Très ambiguë effectivement!!! C'est là tout l'inconfort de la situation...
C'est pourquoi je laisse le bénéfice du doute à Brett en me cantonnant à une analyse purement politique, matérialiste et dialectique de la chose. Et surtout à tirer les leçons pour les africains et afro-descendants où qu'ils se trouvent. Comme je l'ai dit, l'Afrique n'est pas encore assez débamboulisée et l'Africain pas assez "commetoutlemondisé" dans l'inconscient du monde "blanc"...

renaudoss
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Et puis, une chose certaine est que si nous n'étions pas (toujours) parmi les plus paupérisés et les fragilisés dans les sociétés où nous nous trouvions, ce genre d'exposition ne heurterait pas notre être, et peut-être jouerait-il pleinement son rôle.(C'est ça la seule vraie lecture à faire de cette situation, au delà de toute considération "raciste" "anti-raciste" "anti-antiraciste" "négrophobie" "antinégrophobie")... Tout le reste, c'est de la conversation de bistrot ou du débat de classe de récré. (Enfin, je crois :D )

Serge
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J'ai oublié de dire une chose tout aussi importante... d'un point de vue purement numérique, nous sommes effectivement minoritaire sur cette planète. Ajoute à cela le fait que nous soyons aussi minoritaire par rapport à la possession du pouvoir...

renaudoss
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Ca fait réfléchir effectivement...Je crois qu'on a pas fini d'en parler de cette affaire, camarade (Tant qu'on ne se contente pas de parler :D )

Eteh K. ADZIMAHE
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Il faut peut-être se demander si la meilleure manière de mentir sur un sujet n'est pas de procéder par statistiques - Benjamin Disraeli. Ceci dit, statistiquement, les médias ne montrent sur l'Afrique que ce qu'elle est réellement. A un moment donné, l'Africain ne peut pas être pris au sérieux parce qu'il ne se prend pas lui-même au sérieux. Avide de tout avoir tout de suite, au détriment de l'autre (pourtant même gueule, même couleur). Il faut selon moi que cette exposition expose même encore plus les tares noires, pour qu'on puisse s'en affranchir. Qu'elle nous rappelle là où nous avons failli. Statistiquement, nous sommes les peuples qui comptons souvent le plus d'agressions dans nos propres rangs, de trafiquants, de grands banditisme et nous sommes ceux qui avons donné le mode d'emploi de l'esclavage aux européens. De nos jours, nous hésitons même sur nos constitutions où nous n'avions pas su prévoir suffisamment de verrous pour nous en satisfaire. Les autres races sont loins, très loins, l'homme noir est derrière. Et à chaque fois qu'il remettra cette faute sur la tête d'une autre race, il ne s'enfoncera qu'un peu plus dans le limon de son retard multiculturel

renaudoss
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Je crois que je suis en désaccord avec toi sur pratiquement tous les points que tu as énoncé. :D
D'autre part, je suis toujours un peu mal à l'aise avec la notion de 'race', ou de "racisme", je pense que ce sont des concepts à manipuler avec une extrême délicatesse... Cela dit, je pense que tout ceci mériterait qu'on y consacre un billet ou deux), qu'en dit tu? Car je doute fort qu'on puisse véritablement en discuter dans les limuites restreintes des commentaires. Mais je le dis, je suis pratiquement en désaccord sur tous les points énoncés, ou un peu plus nuancés sur certains aspects.

Eli
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L'initiative est certes ubuesque. Mais n'oublions pas que des célébrités de peau noire ont aussi naïvement prêté le flanc au racisme en balançant sur la toile des photos où on les voyait tenir en main une banane. L'image peu glorieuse que l'on se fait du Noir est entretenue par le Noir lui même. La tyrannie, les conflits et la misère que les africains infligent à leur peuple ne peuvent nous valoir le respect des "autres".

renaudoss
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Ah, cette affaire de banane là aussi... Il y a beaucoup à en redire effectivement! Notre affaire est vraiment compliquée quoi, on est pas sortis de l'auberge

Limoune
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Bonjour Renaud, je crois que tout dépend du but recherché de Brett, lire ton descriptif de l'expo m'a fait pensé à des films qui reproduisent l'esclavage, ça me choque souvent mais ça ne choque pas tout le monde. Cinéma ou expo pour moi on touche à la même chose à la mise en scène de l'être, et c'est l'artiste qui choisit quel être et quelle posture leur donner. Je ne suis pas fan et je ne suis pas sûre que cela change les perceptions des néo-colons. Il faudrait demander aux "modèles" ou "acteur" pourquoi avoir choisi de collaborer au projet

renaudoss
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C'est une question qui revient très souvent un fois qu'on a fini de réfléchir sur la question: Pourquoi les "acteurs" ont-ils acceptés, que ressentent-ils ?
En fait c'est un point important que tu touche: Certains mots et références ne nous inspirent pas tous les mêmes choses, et ne portent pas le même contenu pour nous tous."Racisme", "Esclavage", "colonisation", même "humanité" ou "Homme".